CULTURE A CHLEF EL ASNAM

CULTURE A CHLEF EL ASNAM

INTERVIEW de l'écrivain DJILALI BENCHEIKH par le Soir d'Algérie

 

Le Soir des Livres : DJILALI BENCHEIKH
«Boudia me laisse l’image d’un homme total»


Le Soir d'Algérie : Quand on vous connaît un chouïa, on sait que votre roman s'inspire de faits vécus. Pourriez-vous nous les relater en situant les dates et les personnages?
Djilali Bencheikh :
Tout commence le 2 juin 1973. Mohamed Boudia, homme de culture et d'action, m'envoie à Beyrouth pour, dit-il, transmettre un message, une amana à des frères palestiniens. Etant mon chef dans une organisation d'opposition algérienne et surtout un complice dans bien des domaines, c'était difficile de refuser.

Je pensais qu'il s'agissait de tracts ou d'articles de presse qu'il fallait transporter en douce. Je me suis retrouvé devant une valise à double fond dont j'ignorais le contenu. Mais d'un sourire lumineux, il me rassure : rien de grave, dit-il, et puis l'aéroport de Beyrouth est une passoire. On n'embête pas les touristes. Il a eu faux sur toute la ligne. Mais je ne lui en ai pas voulu. La police libanaise m'a arrêté puis relâché. Pour me suivre, bien sûr. Puis quand j'ai réussi à contacter les responsables de Septembre noir, ils m'ont conseillé de ne pas quitter Beyrouth. D'abord parce que Interpol était à ma recherche. Interpol donc les services israéliens. Et puis, eux, par respect, préféraient que Boudia vienne lui-même gérer mon histoire. Je ne l'ai hélas jamais revu puisqu'il a été explosé dans sa voiture le 28 juin à Paris juste devant Jussieu. Il faisait partie de la sinistre liste de Golda Meir. La Première ministre israélienne a juré d'assassiner tous ceux qui avaient de près ou de loin trempé dans la prise d'otages de Munich en septembre 72.
On reconnaît bien sûr le personnage de Mohamed Boudia derrière le portrait de Nadir Benhila. Dans quelles circonstances avez-vous connu Boudia et quelle image avez-vous gardé de lui ?
J'ai connu Boudia dans le cadre du RUR alors que j'étais étudiant à Paris au début des années 70. Le Rassemblement unitaire des révolutionnaires militait en France pour la démocratie en Algérie. Et pour la libération de tous les prisonniers politiques dont l'un des plus célèbres, Ahmed Ben Bella, embastillé depuis 1965. J'ai rejoint quelques étudiants et intellos, dont Mohamed Benmansour, pas mal d'ouvriers plus benbellistes que révolutionnaires, un ancien député Saâd Absi, un poète nommé Ahmed Azeggagh et bien sûr Boudia que j'appelais familièrement Soustara. Lui était originaire de ce quartier de La Casbah (ex-Montpensier) et ma famille y était alors établie. Je me doutais que Soustara était totalement engagé dans des actions militaires pro-palestiniennes. Mais j'en ignorais les détails. Il y avait un compartimentage strict entre la section purement politique et le groupe Action qui comptait aussi quelqu'un comme Khaled de Boudouaou, mort au combat aux côtés de Yasser Arafat, ou celui que j'appelle Rachid et qui est le seul survivant des protagonistes de mon roman. Boudia me laisse une image d'homme total. La figure du héros parfait, loin de toute idéalisation. Play-boy, autodidacte venu de loin, baroudeur culturel : on se souvient de son amitié avec Jean Vilar et ses initiatives inédites quand il a dirigé le Théâtre national algérien avant le coup d'Etat du 19 Juin. Il me séduisait par la cohérence de ses actes avec ses idées. Il avait l'envergure d'un Benbarka en gestation. Homme de principe, il ne parlait pas en l'air. Mais comme tous les héros, il avait sa part d'ombre et comme tous les hommes d'action ce n'était pas toujours un tendre.
On a du mal à comprendre comment un révolutionnaire comme lui, rompu aux luttes clandestines, ait pu confier une mission aussi délicate que le transport de passeports européens trafiqués à un novice comme vous. Qu'aviez-vous compris de sa stratégie ?
Vous avez raison, cela paraît étonnant. Mon explication est simple. A cette époque, juin 73, il était traqué. Plusieurs de ses hommes étaient morts, emprisonnés ou exilés au Moyen- Orient pour sauver leur peau. Il a donc dû recourir à l'expédient que j'étais. Quand je lui ai dit qu'il me bousculait par la mission venue sans préparation, il m'a répondu : Nous autres, Arabes, nous sommes toujours bousculés. Ce Nous autres incluait tous les démunis, les zawalis de la terre, les opprimés... Il a donc paré au plus pressé comptant sans doute sur ma naïveté pour tromper les douaniers libanais. Il est vrai que l'étau israélien se resserrait sur lui à Paris. Les frères palestiniens comme la direction du RUR le suppliaient de foutre le camp. Il semble que même certains policiers français l'aient sommé d'aller voir ailleurs, ne voulant pas avoir un cadavre sur les bras. Mais lui retardait son départ, ayant toujours une tâche à finir. D'après Azeggagh qui était son intime, il semble qu'il se préoccupait de l'installation de ses fils tout juste venus d'Alger. Moi je pense qu'il y avait inconsciemment dans son attitude une forme de défi à Golda Meir. Il n'avait pas envie de prendre la posture du fuyard. Mais le Goliath israélien a eu raison du David algérien. Je suis sûr que par défi, il est mort le sourire aux lèvres et de bonne humeur...

Vous aviez 25 ans et vous êtes arrêté par la police libanaise dans une ville, Beyrouth, déjà épicentre de ce déchirement qui préfigurait l'explosion de 1975. A quoi pensiez-vous dans votre cellule du commissariat le premier soir ?
A plein de choses. D'abord serai-je capable de résister à la torture si on me soumettait à la question pour me soutirer des renseignements. Et j'ai pensé à tous ceux qui sont passés par là pendant la guerre d'Algérie ou après le 19 Juin. J'ai pensé à Boudia non pas pour lui en vouloir mais en me disant qu'il devait être bien déçu de me voir échouer à ma première opération. J'ai pensé aux potes du mouvement qui n'étaient pas au courant de ma mission. Bien sûr, j'ai pensé à ma petite chérie restée à Paris et à qui j'avais inventé un bobard pour expliquer mon absence prévue pour une semaine. J'ai pensé à ma mère au cas où je prendrais un lourde peine de prison. Je connais la fragilité des mères dès qu'il s'agit du sort de leurs enfants. A aucun instant je n'ai songé à m'évader.

A vous lire, on a l'impression que vous avez vécu de façon pragmatique la succession d'évènements qui faisaient de vous, sans que vous le sachiez, un combattant de Septembre noir ? A quel moment avez vous réalisé la gravité de la situation ? C'est à Beyrouth que vous apprenez par votre ami Rachid l'assassinat de Mohamed Boudia par le Mossad à Paris. Que vous ont dit les responsables de l'OLP et de Septembre noir ?
En fait contrairement au roman j'ai appris la terrible nouvelle en même temps que Rachid par le chef de Septembre noir, Abou Hassan Salamé. C'est là que j'ai réalisé l'envergure de ma mésaventure. Je me suis dit, le sort en est jeté. Vaille que vaille. Et après. Abou Hassan était une sorte de Boudia palestinien. Plus jeune, tout aussi play-boy, ce trentenaire avait un charisme naturel. Il nous a transmis la tristesse et la considération de Yasser Arafat et nous a assuré que Mohamed Boudia appartenait à l'histoire de la Palestine et personne ne l'oublierait. Nous le vengerons, je vous le promets. Il a tenu parole. Le chagrin de Abou Hassan était vraiment sincère. Pour un homme qui en a vu de rudes, c'était étonnant. Il avait pour Boudia une grande admiration et un véritable élan affectif. Faut dire qu'il perdait aussi un général irremplaçable contre les services israéliens.
Un certain Walid, qu'on peut soupçonner être Joumblatt, vous a dit dans le Chouf que chaque maison libanaise disposait d'un arsenal pour le jour de l'explosion. Comment avez vous apprécié rétroactivement les discussions avec cette notabilité ? Pourquoi n'arriviez-vous pas à repartir de Beyrouth ? Vous êtes reparti finalement avec un passeport iranien ? Ça vous inspire quoi aujourd'hui ?
Non, le Walid n'était pas le Joumblatt d'aujourd'hui. Mais j'avais beaucoup d'admiration pour son père Kamel, assassiné lui aussi dans la tourmente. Une tourmente apparemment prévisible puisque ce dignitaire de la montagne en avait la prescience. Quand la guerre du Liban a éclaté au printemps 75, j'étais à l'université d'Oran pour mon service national. J'ai tout de suite pensé à ce Walid du Chouf et à ses prévisions calamiteuses. Sombre don visionnaire... Pourtant, même en étant resté coincé trois mois là-bas, je n'ai pas soupçonné un instant la dimension du naufrage fratricide qui a tout ravagé juste deux ans après mon passage. Qui aurait soupçonné en 1970 qu'un pays comme l'Algérie sombrerait également dans une barbarie sans nom. J'en reste perplexe jusqu'à maintenant. Arrivé le 2 juin au Liban, je n'en suis reparti qu'au début septembre. Mohamed Benmansour, qui a un peu remplacé Boudia, a attendu que se termine la crise gouvernementale libanaise qui a duré six mois. Par l'entremise des Palestiniens, il a sans doute négocié mon départ. Mon retour se voulait discret à Paris. Je ne suis pas sûr d'avoir leurré la police française. Muni d'un faux passeport iranien !!! A l'époque, le régime pro-occidental du shah rassurait. Aujourd'hui, le pouvoir qui sévit là-bas est pire que la dictature du shah. Aussi, je frémis rétrospectivement d'avoir endossé une telle nationalité. Pour l'anecdote, je suis rentré à Paris à la veille du 11 septembre de Pinochet. Comme quoi, la CIA comme le Mossad ne chômaient pas.
Quand vous repensez à cette époque des utopies, qu'est-ce que cela vous inspire politiquement et effectivement ?
De fait, quand je suis revenu à Paris j'ai constaté que la mort de Mohamed a porté un coup terrible au moral du mouvement. Les militants étaient désarçonnés. Boudia représentait une vitrine subjective héroïque qui compensait sans doute la faiblesse de cette organisation sur le plan idéologique dans le combat pour la démocratie. Le RUR fonctionnait comme une famille plutôt que comme un parti. Ce qui explique en partie d'ailleurs sa rupture avec les communistes au moment de la dislocation de l'ORP, juste après 65. Par ailleurs, Mohamed Harbi et Hocine Zahouane, qui faisaient partie de la famille, ont réussi à fuir l'Algérie en 1972. Ils ont poussé à la transformation du parti qui a fini, je crois, en liquidation en 1975. Mais à ce moment-là je crapahutais à Blida pour les besoins du Service national. Je ne connais pas les détails. Dans ma tête, je m'étais déjà reconverti au culturel comme le préconisaient Azeggagh et Boudia lors de conversations privées. L'avenir de l'Algérie sera culturel ou ne sera pas, me répétaient-ils. Et quand le Printemps culturel a éclaté, j'ai compris leurs prédictions. Ce projet de livre me tient à cœur depuis 37 ans. Je suis heureux aujourd'hui d'avoir abouti enfin. Non pas pour la gloriole personnelle, mais pour rendre hommage à ces hommes exceptionnels. La plupart l'ont payé de leur vie, de Boudia à Khaled alias Tarzan. Le Palestinien Abou Hassan a lui aussi explosé dans sa voiture à Beyrouth en 1976. Seul reste de cette aventure celui que j'appelle Rachid pour protéger son anonymat. Lui est muré en Algérie dont il ne peut pas sortir, Interpol veille toujours. Près de quarante ans après les faits, pas de prescription pour lui. L'homme crève à petit feu, de rage et d'impuissance car sa famille, ses enfants sont en France. Il faut parfois payer très cher la fidélité à ses idées. Cette histoire me hante depuis 73. J'espérais un jour l'écrire pour que ces justes ne soient pas oubliés. A chaque tentative, je butais sur la mort de Boudia, décidément trop douloureuse. J'hésitais aussi sur le genre littéraire à adopter. Comment restituer ce qui procède de l'épique. Un essai, c'est trop froid ; un témoignage ? pas envie de me singulariser ; j'ai trouvé cette forme mixte du faux polar qui vaut ce qu'elle vaut et que je souhaitais aussi légère que l'humeur de ces hommes au combat. Me reste de cette époque le souvenir d'une famille avec des liens de solidarité qui font rire aujourd'hui. Ils étaient tous un peu poètes à leur manière. Des Don Quichotte qui ont traversé le vent et dont on se moquerait dans cette société d'autistes qu'on nous impose de plus en plus. Mourir pour ses idées ? Tu plaisantes, mon gars. Quant au sort des Palestiniens, il n'intéresse plus personne, hors les jeunes des banlieues qui enragent dans leur coin. Le travail d'occultation médiatique a fort bien réussi en Occident. On l'a vu lors du massacre de Ghaza en 2008-2009. Le Mossad veille là aussi.

Propos recueillis par Bachir Agour

SIGNET
Temps perdu
A le voir traînant un regard ébaubi sur le monde, on ne croirait pas qu’il est passé par là. Djilali Bencheikh est bien un cachotier. Ça peut faire de bons romanciers, ces gens qui ne disent pas tout. Venu tard à l’édition, il semble vouloir rattraper le temps perdu. Les livres se suivent composant une œuvre à intention proustienne dans cette obstinée recherche du passé. L’épisode raconté dans ce roman est exact, du moins en très grande partie. En plus de l’aspect littéraire, c’est un document sur la solidarité algérienne en faveur des Palestiniens. C’est aussi un hommage à des compagnons de lutte et au premier d’entre eux, Mohamed Boudia.

B. A.

Candide au pays de «Septembre noir»
Kamel, étudiant algérien à Paris, a un cœur gros comme ça, mais il est du genre dilettante. Cependant, sa fréquentation des troquets autour de Sorbonne- Panthéon ne tardant pas à le lasser, il opte pour le maquis, direction Ménilmontant. Là au moins, le peuple, évoqué autour d'une table, n’est plus une vague notion appelée à la rescousse de l’argumentation dans les débats byzantins de fin de cuite. C’est du concret. Petit à petit, Kamel se trouve inséré, plutôt qu’intégré, dans une sorte de fraternité qui se révèle être en fait, un parti politique algérien clandestin, le Rare. Kamel y rencontre Nadir qui le fascine littéralement. Ce jeune de trente ans, ancien condamné à mort du FLN, entré dans l’opposition après le coup d’Etat de Boumediène en 1965, est administrateur du Théâtre de l’Ouest parisien avec son ami Vilar. Homme d’action, il brille comme une étoile dans la constellation parisienne, tout en étant de fait un des principaux dirigeants du Rare, et incontestablement le plus charismatique d’entre eux. Bien qu’il ait cloisonné ses activités, il est de notoriété publique que Nadir mène des opérations en faveur des Palestiniens. Enfreignant à dessein les règles de la clandestinité qui recommandent de ne pas mêler «politique» et «action», Nadir propose au néophyte qu’est Kamel une mission au Liban. Rien de moins ! Pas vraiment rompu de corps et d’esprit à ce genre d’exercice, ce dernier hésite. Néanmoins, pour rester conséquent avec lui-même, le révolutionnaire de bistrot finit par dire oui. Ne lui a-t-on pas certifié que l’opération était simple et sans risque ? Un banal portage de valise à double fond. Ce qu’elle contient ? Des documents, il n’a pas à en savoir davantage. Nadir dissipe les dernières inquiétudes de son poulain : le passage de frontière à Beyrouth s’effectue les doigts dans le nez, la douane de l’aéroport est une passoire. C’est du tout cuit ! En clair, il convie Kamel à une promenade de santé. Ça a beau être clair comme de l’eau de roche, les warnings de l’étudiant clignotent en son tréfonds. Après avoir passé la situation aux rayons X, il se tient un raisonnement aux allures de côte mal taillée : si je suis pris, ce sera pour moi l’occasion de payer mon engagement en une autre monnaie que la parlote. Je me prépare mentalement à supporter jusqu’à deux ans de taule, ce qui revient à la durée du service militaire en Algérie. En gros et au pire, je troque, pour un laps de temps équivalent, un devoir contre un autre. Go ! Et voilà comment, habillé d’un rutilant costume en jersey et d’une valise fournis par le service Action du Rare, Kamel embarque. Beyrouth ! Si effectivement tout le monde descend, tout le monde ne passe pas. Enfin, tout du moins, pas notre protagoniste. D’oiseau migrateur, le voilà pigeon. Dans le double fond aux allures de pochette surprise de sa valise rouge, les flics libanais dégotent des passeports européens. Et pas qu’un peu ! Et dans son cartable d’écolier qui lui tient lieu de bagage à main, on découvre qu’il cache le passeport du représentant de l’OLP à Paris, qui vient juste d’être assassiné par le Mossad. C’est tellement lourd de conséquences, que ça en devient léger. Le calcul est vite fait, c’est la taule à vie. Ce qu’ignorait Kamel, c’est que les policiers libanais le connaissaient, eux. Sans le savoir, il bosse pour «Septembre noir», groupe d’élite qui doit son nom au massacre de 1970 en Jordanie. L’organisation la plus recherchée du monde ! Eh bien je vous le dis, à la place de Kamel, vous auriez été comme lui, KO en l’apprenant. L’interrogatoire vire à la séance d’information. Tout ce qu’il n’a pas appris par Nadir lui est livré par les condés. Dans le Liban d’alors, rien n’est impossible à Septembre noir. Le commissaire demande avec humilité à Kamel de lui expliquer ce qui se passe dans son propre pays. C’est dire ! Kamel est libéré, mais filé. En plein désarroi, sans argent, sans protection, notre héros erre apeuré dans Beyrouth qui regorge d’agents du Mossad, fasciné par le spectacle de la ville la plus contrastée et la plus explosive du monde. Comme l’humour, cette politesse du désespoir n'est pas absente du récit, c’est sans surprise que l’on voit successivement Candide demander au commissaire principal de Beyrouth de le dépanner, puis se rendre à l’ambassade d’Algérie pour solliciter une aide pécuniaire… qu’il obtient ! Au creux de la vague, contre toute attente, Kamel reconnaît, dans un café, un Algérien collé au flipper. C’est Rachid, un autre membre du Rare, section action, qui l’emmène au camp de Sabra où l’âme sensible de Kamel s’émerveille au spectacle des enfants palestiniens. Dans un appartement trash, en compagnie d’un militant de Septembre noir et d’une belle plante, Kamel va désormais attendre la suite des événements. La mission consiste à concocter son retour à Paris, tout en meublant alternativement les temps morts de baignades et de tournées des grands ducs en compagnie d’un Rachid qui circule comme un poisson dans l’eau dans une Beyrouth armée jusqu’aux dents. C’est dans ces conditions qu’il apprend la mort de Nadir dans un attentat à la voiture piégée. Son successeur à la tête du Rare ne tarde pas à débouler. Rachid, militant trempé, ne calcule pas son nouveau chef. Kamel lui-même, naguère hypnotisé par feu Nadir, n’a pas plus que lui d’atomes crochus avec le boss, un Tlemcenien sensible aux mondanités. Ce dernier embarque Kamel dans une maison du Chouf où il donne des réceptions réunissant la gauche libanaise. Il met alors un terme à l’expectative de Kamel en lui débrouillant un passeport de commerçant iranien afin de rentrer à Paris avec de grosses sueurs froides, on en aurait à moins, mais sans anicroches. Il est aisé de reconnaître derrière les noms des protagonistes les vrais patronymes des personnages d’une histoire véridique. Djilali Bencheikh a effectué cette mission sur l’ordre de Mohamed Boudia. L’identité des autres protagonistes, tout aussi réels, ne peut être dévoilée. Le roman de Bencheikh est le récit d’un jeune que le romantisme révolutionnaire a propulsé dans le cruel de l’action. S’il en est revenu écorché, cela ne l’a pas pour autant empli d’amertume. Le récit est empreint d’un humour et même d’une certaine légèreté qui, en allégeant la tension, nuit quelque peu à la densité intrinsèque de l’histoire.
B. A.
Djilali Bencheikh , Beyrouth canicule, Elyzad, 277 pages.

Biographie
Djilali Bencheikh est né en Algérie à la fin de la Seconde Guerre mondiale. Après des études d'économie à Alger puis à Paris, il se tourne vers la vie associative, le journalisme et la littérature. Il a longtemps été chef d'édition à la section française de Radio Orient, où il a animé une chronique quotidienne de littérature intitulée «Au fil des pages». Aujourd’hui, il se consacre à l’écriture.
Bibliographie
Mon frère ennemi, roman, Séguier, 1999.

Voyage au bord de l’enfance, chroniques, Paris-Méditerranée, 2000.
Tes yeux bleus occupent mon esprit, roman, Elyzad, 2007. Prix Maghreb 2007 de l’Association des écrivains de langue française (Adelf).
Lella, in Ma mère, recueil dirigé par Leïla Sebbar, Chèvre-feuille étoilée, 2008.
Julia des Sables, in Sortilèges sahariens, Chèvre-feuille étoilée, 2008.

 

Source : Le soir d'Algérie - du 15 janvier 2011

 

 

 

 

 

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15/01/2011
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