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L'EVOLUTION ECONOMIQUE ET SOCIALE DE L'ALGERIE par M'hmed ABACI

Evolution économique et sociale de l'Algérie (M'Hamed Abaci)

Evolution économique et sociale de l'Algérie 
M'Hamed Abaci
Publié dans Réflexion le 22 - 03 - 2013

L'Algérie vivait au lendemain de l'indépendance, une situation socio-économique critique dont on retenait notamment : la pauvreté et la misère, un taux de chômage de 70%, un taux de 80%d'analphabétisme, un déficit important en main-d'œuvre qualifiée et d'encadrement.
Notre pays se devait d'y mettre fin au plus tôt à ce lourd héritage légué par le colonialisme et ceci par la mise en place d' une politique de développement national en mettant en avant des programmes économiques et de construction afin de consolider l'indépendance politique en engageant des plans de développement : triennal 1967-1969 et quadriennaux 1970-1973 / 1974-1977/ et quinquennal 1980-1985 et enfin, la valorisation des hydrocarbures par le plan VALHYD pour développer une industrie pétrolière et gazière répondant aux différents impératifs industriels, sociaux, agraire, culturels, scientifiques, sportifs, santé, enseignement... « La bataille du développement national est en marche» à laquelle ont été associé les premiers cadres algériens qu'il est utile que cette expérience d'un capital inestimable développée par ces derniers largement oubliés soit connue aujourd'hui. Un thème - clé de société qui, bien évidemment, cela mérite qu'on jette un regard sur le passé pour une objectivité stratégique pour une Algérie que nous percevions en devenir un pays développé dans l'histoire du cinquantenaire de l'indépendance de l'Algérie.
Il nous semble bon aujourd'hui qu'on se souvient de cette première expérience du développement national qui fut les plus difficiles de l'histoire de l'Algérie indépendante, car il s'agit particulièrement de l'engagement d'une génération post -indépendance de haute valeur humaine qui a hérité la pauvreté, la misère, l'analphabétisme...
Pour faire face à cette situation, la seule solution réside dans l'apport des premiers cadres algériens dont la majorité sont autodidactes, mais qui ont su concevoir la renaissance du patriotisme économique, développer une expérience administrative et économique par laquelle ,ils ont été au devant de la scène de l'Algérie future .En fait, elle a permis rapidement à faire fonctionner les institutions , les sites pétrolier, gazier, minier, les sociétés nationales pour rétablir l'économie et enfin les terres agricoles récupérées et prises en charge par nos paysans pour les exploiter. En effet, une étape nouvelle de l'évolution économique et sociale de l'Algérie, tout aussi importante qui fut la grande bataille qui s'annonce pour cette génération, après celle de la libération du pays.
C'est celle de la construction et du développement pour hisser l'Algérie au rang d'un pays développé après le départ massif des cadres européens laissant derrière eux un pays sous-développé et totalement à l'arrêt .C'est là, une question d'histoire digne d'un fait marquant et témoin des premiers cadres de la nation algérienne des années 1960 / 1970 qui d'ailleurs, il faut signaler au passage, ont apporté la preuve de leurs sacrifices, de leurs performances et de leur vrai nationalisme d'une naïveté et d'une honnêteté intellectuelle extraordinaire sur le terrain .En effet, tout le monde s'accorde à reconnaitre que l'Algérie a fait de gros efforts et consenti d'immenses sacrifices grâce notamment au travail accompli par cette génération qui a pu conduire la réalisation du développement national durant cette période.
 Une question qui revêt toute son importance dans la mesure où il s'agit d'une génération des premiers cadres algériens qui a choisi de rester au service du pays au moment crucial des premières années de l'indépendance notamment assurer la relève des ingénieurs, techniciens, médecins, économistes, financiers, ouvriers professionnels, employés européens... et a su changer la donne et s'imposer comme acteur-clé dans le processus des nationalisations et de développement national, voire avoir préservé, protégé et développé le patrimoine public .Un défi rarement réussi dans le monde arabe et l'Afrique et depuis lors, on constate que nos gouvernants oublient vite les sacrifices des générations qui marquent l'histoire dans une nation, après s'être installés au pouvoir .Effectivement , un bilan qui peut être considéré comme positif à l'actif des cadres algériens qui ont été d'un apport indéniable au développement national et qui constituent une force morale et illustre un patriotisme économique, de solidarité et d'adhésion exemplaire dans la mesure où ce bilan de la bataille du développement fournit des indicateurs fiables économiquement ,socialement et politiquement où d'énormes sacrifices sont consentis par cette génération des premiers cadres algériens qui a constitué l'élite de l'indépendance et dont sa ligne de conduite n'a jamais changé et ne changera jamais pour l'intérêt suprême du pays. Elle a payé le prix fort de sa jeunesse en travaillant sans répit, sans confort, sans revendications salariales et d'une précarité sociale en général. La norme de travail dépassait le plus souvent douze heures /jour avec des salaires mensuels dérisoires qui se situaient en moyenne entre 500DA et 3000da/mois, voire parmi il y a les travailleurs exécutants sans qualifications sont payés en nature au moyen de bons de semoule, de sucre, de café, d'huile etc. Cela ne leur rien rapporté aujourd'hui. Quand le patriotisme avait encore son sens avec la génération du 1 novembre1954.
Nous y croyons toujours. C'était donc, une génération fortement animée et marquée par la dignité et le seul souci, celui du développement national afin de sortir le pays du sous-développement au lendemain de l'indépendance notamment, nous pensons à ces grandes réalisations socioéconomiques et celles des grandes décisions pour l'instauration d'un Etat fort, qui ont vu le jour au milieu des années 1960 /1970 pour construire une économie avec de grandes ambitions politique et économique qui envisage devenir le premier pays développé de l'Afrique et afficher notre supériorité économique et commerciale régionale dans les espaces maghrébins-Arabe et Afrique pour l'horizon 1980(H80). Les efforts accomplis durant cette période pour un premier bilan de l'évolution économique, social, culturel de l'Algérie peuvent être résumés comme suit :
Sur le plan développement socio-économique 
L'Algérie avait une stratégie industrielle sans doute mieux ciblée avec une approche réaliste et porteuse de progrès notamment qui a permis d'éradiquer la misère, la pauvreté et l'analphabétisme. On peut en rappeler ici, essentiellement entre autres , la réalisation de grands ensembles industriels et technologiques dans toutes les branches d'activités: énergie et pétrochimie, sidérurgie, industrie agroalimentaires et pèches, mines, hydraulique dont les barrages de BENHAROUN-ABADLA parmi les importants en Afrique , biens d'équipements, chimie et pharmacie ,électronique, télécommunications et informatique uniques en Afrique, voies ferrées et moyens de transport ferroviaires et maritimes ,presse, imprimerie, industrie cinématographique, audio-visuelle(nationale et régionale), textiles, cuirs, et chaussures, ameublement, construction ,industries diverses, zones touristiques dont plusieurs stations thermales modernes et un complexe thalassothérapie l'unique en Afrique, la route transsaharienne de l'unité africaine, barrage vert, à l'instar d'autres grandes réalisations socioculturelles et sportives, écoles , lycées, universités, instituts technologiques, centre de recherches en nucléaire, l'institut pasteur, hôpitaux , barrage vert, logements sociaux et villages socialistes, des actions de volontariats en matière de reboisement surtout, ce qui à crée aujourd'hui un développement d'équilibre régional et de pôle de croissance notamment de zones industrielles, zone d'activités et enfin, d'importantes infrastructures annexes d'appuies .
Ainsi, Parallèlement le pays s'engage dans la réalisation de vastes programmes dit spéciaux de développement qui devaient restaurer l'équilibre régional entre les régions du pays, auxquels il faut ajouter le plan COMEDOR qui devait restructurer et moderniser la capitale , voire la projection de la nouvelle capitale politique dont le choix était porté sur boughzoul. Et un nombre impressionnant d'entreprises économiques, commerciales et bancaires locales et nationales qui voient le jour et leur rôle s'agrandir jusqu'à les compter par millier avec notamment la multiplication de leurs usines, de leurs agences ou unités, leur réseau de distribution et de leurs bureaux d'études à travers tout le pays. A titre d'exemple, SONATRACH avec 120 000 travailleurs et son organisation qui couvre toutes les activités de la pétrochimie, devenue un Etat dans l'Etat et bien d'autres entreprises géantes : SONACOME, SNS SIDER, SONELEC, SONELGAZ, SONATIBA, DNC, SNLB, SNMETAL, SNMC, SNIC, SONIC, SONATRAM , SONAREM, SONITEX, SAIDAL-ENAPHARM, ENMTP, CNAN, CIRTA fabrication tracteurs- moissonneuses batteuses, BCL fabrication de pièces industrielles, BATIMITAL, SNTA, OFLA,ONCIC etc. Ces dernières ont joué un rôle-clé dans la création d'emplois durable, des centres de formation, des centres médico-sociaux(CMS), des cantines et du progrès économique et social en général.
Effectivement, la part consacrée à l'investissement industriel, était autour de 45% du produit intérieur brut(PIB) et plusde50% du total investissement au moment où le pétrole valait sur les marchés mondiaux moins de10 dollars le baril , la part de la production industrielle annuelle était autour de 18 à 25 % du PIB , la part générée en croissance annuelle était de plus de10%, une agriculture rénovée où l'Algérie arriverait à produire la totalité de ses besoins en céréales, en légumes et fruits et à même exporter l'excédent, alors qu'aujourd'hui l'Algérie figure parmi les gros importateurs , l'épargne nationale était en moyenne de 40% du PIB , la stabilité du taux de change DA/DOLLAR avec un cours de change fluctuant entre 4DAet 5DA pour 1dollar. Ces performances étaient parmi des plus fortes dans le tiers monde, un acquis, porteur de grandes perspectives socio économiques et de grande portée pour intégrer le monde industriel.
L' évolution rapide du progrès de la société algérienne à sa base d'une justice sociale et l'émergence d'une classe moyenne dominante et productive dont notamment l'Algérie était économiquement et culturellement plus avancée qu'aujourd'hui est un évènement marquant et témoin de l'engagement des premiers cadres algériens dignes d'une génération au service réellement de l'Algérie indépendante après le départ massif des cadres , employés et ouvriers européens où notamment les premiers cadres algériens ont joué un rôle de bâtisseurs avec lequel ils ont apporté la preuve de leurs sacrifices dans la douleur de leur jeunesse et en se passant d'une vie meilleure ailleurs (outre- mer) en travaillant sans répit et dans des conditions de travail des plus pénibles ,une charge de travail insupportable par manque d'effectifs et de qualifications sans pour autant demander des avantages ou profiter de leurs postes. Et dans tout cela, leurs performances et leur vrai nationalisme sont d'une naïveté et d'une honnêteté intellectuelle et professionnelle extraordinaire dans la mesure où cette génération a donné le meilleur d'elle-même en contribuant par ailleurs à une autre réalité nationale à savoir d'importantes actions de solidarité et de volontariats dans le cadre des campagnes nationales de reboisement, de nettoiement de nos villes, du barrage vert, des villages socialistes... Plus important encore, des familles algériennes ont fait don de leurs bijoux, argent liquide... Au profit du fonds national de solidarité (SANDOK TADHAMOUN). Cela a donné plus d'adhésion, de participation et de maîtrise de notre développement national sur le terrain. Evidemment, un peuple magnifique et une race de cadres et de travailleurs resteront le modèle d'une génération sacrifice et de grandes qualités humaines de l'Algérie indépendante. Cela mérite encore une fois, d'être aujourd'hui rappelé dans cette importante étape de l'histoire de l'Algérie et mise en évidence avec force lorsqu'on constate que nos gouvernants et nos élus n'interrogent pas l'histoire et oublient vite les sacrifices des générations qui marquent l'histoire dans leur pays après s'être installés au pouvoir. Nul ne peut oublier cette grande période où le temps passait, les entreprises se créaient et grandissaient, la croissance augmentait, l'offre augmentait, les prix diminuaient, et on parlait moins de détournements de fonds, de corruption, de fuite de cadres et de cerveaux, de capitaux, de liquidation d'entreprises, de compressions d'effectifs, de salaires impayés, de conflits sociaux ...
Sur le plan politique
De reconquérir la souveraineté économique sur :
.La récupération des terres des collons, des assurances, des banques et des ressources minières.
.Le 24 février 1971 fut une grande date dans le processus de libération économique, c'est, en effet, à cette date que furent nationalisés les hydrocarbures, principales richesse du pays.
.Le remplacement du franc français par la création du Dinar algérien
.La mise sur pieds de sociétés nationales dont SONATRACH créée en 1963
.La naissance d'une industrie nationale à la faveur de la nationalisation des hydrocarbures, un outil indispensable pour la souveraineté nationale et pour lutter contre le sous-développement.
 .Une politique d'équilibre régionale par la mise en œuvre de programmes spéciaux de développement a permis de mettre fin aux disparités entre les régions. Faut-il rappeler au passage, que des réunions du gouvernement se tenaient au niveau des régions dont notamment : les Aurès, le Titteri, l'Oasis, la Saoura, la Kabylie...
 Et en particulier une politique régionale de leadership qui a conquis les espaces géopolitiques dont notamment le monde arabe, l'Afrique et le tiers monde. Ainsi de plusieurs évènements très importants dans l'histoire du monde, le discours historique prononcé par le président HOUARI Boumediene à l'assemblée générale extraordinaire de L'ONU sur les matières premières pour un nouvel ordre économique international, le sommet de L'OPEP, la conférence des pays non alignés, le dialogue (Nord-Sud) , la présidence de l'ONU assurée par l'Algérie... donnent l'exemple aux pays en voie de développement. 
Sur le plan agraire
.Une politique agraire est mise en œuvre ayant pour principe de base « la terre à celui qui la travaille » et qui a transformé le mode de vie de la campagne, notamment une agriculture rénovée et organisée en grandes exploitations agricoles (domaines autogérés)
 .La mise en valeur des terres avec des moyens d'équipements et d'irrigation à travers les quarante huit wilayas du pays qui revêt aujourd'hui une importance stratégique dans le cadre de l'équilibre régional et du développement local.
.La réalisation du barrage vert qui inspire aujourd'hui une grande expérience dans la lutte contre la désertification.
.Une agriculture rénovée où l'Algérie arrivait à produire la totalité de ses besoins en céréales, en légumes et fruits et à même l'exportation de l'excédent

Sur le plan de l'éducation, l'enseignement et la formation
La démocratisation de l'enseignement a été extrêmement rapide et forte. D'où l'intérêt accru accordé à ce secteur sous le slogan « l'école pour tous » témoigne de cette volonté d'instruire et de former afin ,de développer le niveau scientifique, technique et professionnel qui a permis à notre pays de se doter de milliers d'écoles, lycées, universités, instituts et grandes écoles en cinéma, théâtre, musique ,centres de recherches où le taux d'alphabétisation a atteint près de 75% à la fin 1970 cela grâce à un corps d'enseignant riche. Cette évolution a eu des répercussions positives sur l'enseignement supérieur dans la mesure où l'université algérienne était classée parmi les plus performantes dans les pays du tiers monde et permettait la formation de cadres haut niveau et de multiplier des effectifs dans toutes les spécialités pour notre développent national où nous avons aujourd'hui à travers le monde les meilleurs chercheurs, les meilleurs médecins, les meilleurs professeurs, les meilleurs économistes, les meilleurs financiers, les meilleurs ingénieurs, les meilleurs littéraires .
 Sur le plan santé publique
La politique de la médecine gratuite a permis à notre pays de se doter de milliers de polycliniques, de dispensaires et d'hôpitaux ce qui a donné accès à toutes les couches sociales où on enregistre entre 5 à 10 lits environ pour 1000 habitants. Elle a permis également d'éradiquer de manière définitive les maladies contagieuses et épidémiques, voire l'espérance de vie passant de 60 à 80 ans.
Dans cette période de l'Algérie des grandes ambitions, Il faut rappeler là aussi le souvenir du bon vieux temps et la grande époque des années 1960,1970 et1980 en hommage des hommes du monde de la culture et du sport d'une génération dorée qui a réussi à marquer l'histoire de notre pays par leur sacrifice et leur talent :
Sur le plan culturel (théâtre-cinéma-chant-musique)

 Une génération magnifique qui a réussi à créer un patrimoine culturel d'une haute valeur, à porter la voix de l'Algérie à travers le monde et la placer au cœur des peuples. Nous citons entre autres : Ahmed WAHBI- BLAOUI EL HOUARI- AEK ALLOULA-A.KAKI-A.MAACHI-H.M'HAMED EL ANKA-M.SKANDRANI- A.SALIM-ABDELGHAFOUR- Md. BACHTARZI -ROUICHED-D.BENACHOUR- Md.TOURI-HASSANELHASSANI-l'inspecteurTAHAR-SIDALIKOUIRET-M.MAAMERI-Md.DIB- A. BENHADOUGA-Yacine et Mustapha KATEB -Md. BOUDIA- Sid Ahmed AGOUMI-H. GUEROUABI-Aek. CHAOU-F.DZIRIA- SELLOUA- OUARDA EL DJAZAIRIA-MEDJOUBI-D.EL HARRACHI- LAMARI-T.FERGANI-B.EL ANKISS-M. FERRAOUN-Ad. KHELIFI- les groupes EL MOSSILIA-FAKHARADJIA-OMAR ELMOKRANI -K.HAMADI-CH.HAMADA-AEK.KHALDI-A.AZIZ-K.HAMADI-CH.BOURAS-A.DJERMOUNI-Md.ABBAS-L.HAMINA-L.MERBAH-A.LAASKRI- Md. BOUAMARI- R. DRIASSA-H.MERIZEK-D.AINTEDLESS, et bien d'autres...

Sur le plan sportif (football national)

une très belle page de l'histoire du football national riche en performance à l'exemple de l'équipe FLN, des clubs locaux à l'instar MCA- CRB- USMA- NAHD -, JSK –ESS-MCO- ASMO- JSMT-MCS-ASO- USMBA- MOC... où ils avaient décroché plusieurs titres et coupes d'Algérie, maghrébins et continentaux, aussi et surtout ont marqué de leur empreinte la formation à travers leurs propres écoles et la production de grands joueurs dans l'histoire de l'équipe FLN et l'équipe nationale entres autres comme: LALMAS- ABROUK- KALEM- NASSOU –TAHAR- KRIMO- HADFI- AMIROUCHE- ASSAD-KHEDIS-SERIDI- ATOUI- FREHA- BELOUMI – ZENIR – MERZKANE- SALHI-FEDLAOUI- OUCHEN-BELKAIM–ZAIRI-FEKNOUS-MADJER-BETROUNI-BOUBEKEUR- MEKHLOUFI- AMARA-ZOUBA- KERMALI- les frères SOUKHANE- MAOUCHE –BENTIFOUR- KERMALI-ZITOUNI-SAHLI- BOUMEZRAG-OUDJANI-ARAB- MALOUFI-KOUICI, la liste est longue..Ces clubs ont été parmi les meilleurs clubs d'Afrique, du monde arabe et ont constitué un véritable pôle d'excellence de l'équipe nationale où elle s'est qualifiée deux fois consécutives à la coupe du monde et a remporté une fois la coupe d'Afrique, la médaille d'or aux jeux méditerranéens et plusieurs fois qualifiée à la phase finale avec peu de moyens et d'avantages pécuniaires ou autres comparativement à aujourd'hui. En effet, de nos jours, qu'il y ait des résultats ou pas, on essaye pour chaque saison sportive d'obtenir davantage d'argent, d'appartements, de voitures luxueuses, prises en charge (voyages, soins spécialisés...) cadeaux de valeurs etc. Alors qu'autrefois tous les grands joueurs et athlètes de performance pensaient seulement à l'intérêt du sport, aux couleurs du club, la ville, et enfin, à l'intérêt suprême du pays au sens large du terme. Et depuis lors, on n'a pas pu espérer pour autant produire de grands joueurs au moment où notre équipe nationale est composée dans sa majorité de joueurs évoluant à l'étranger.

Nous terminons notre contribution par une conclusion générale :

C'est ainsi paraissent les premières œuvres du développement de l'Algérie indépendante, un acquis porteur de grandes perspectives socio économique de grande portée pour intégrer le monde industriel dans la mesure où l'on sait que l'Algérie était l'un des premiers pays industriels du continent africain où notre pays était la fierté du tiers monde et commençait à prendre place dans le concert des pays développés . Mais tout cela est resté malheureusement à sujet polémique et non appuyé dans la continuité pour une économie intégrée, diversifiée et moins dépendante des hydrocarbures. C'était là la voie fondamentale qui devait être assumée et partagée par les différents gouvernements passés et, par conséquent, de promouvoir encore des compétences lorsque l'on sait que L'Algérie, le pays le plus vaste et le plus riche d'Afrique en potentialités, avait besoin de grands hommes de profils à valeur « H », c'est-à-dire une élite intellectuelle et professionnelle « cerveaux » dans tous les rouages de l'économie et de l'administration. 
Pour rappel, cela a commencé au milieu des années 1980 par le fameux programme anti pénurie(PAP), et ce, afin, de concrétiser pleinement le slogan « pour une vie meilleure ». Et puis vint l'avènement de milliers d'importateurs sur la base d'un simple registre du commerce aux dépens des règles du jeu de l'économie de marché et d'une économie diversifiée, ce qui a valu la suppression du ministère du plan et exclu toute perspective de développement industriel et de l'économie des entreprises dont-on connaît depuis les répercussions négatives, à savoir les capacités industrielles de notre pays se sont gravement détériorées passant de 25% à 5% du PIB, l'économie algérienne détournée de ses objectifs initiaux notamment fonctionne par la demande et non par les incitations à l'investissement productif où l'augmentation de l'offre qui reste plus faible de manière permanente dans la mesure où on exporte 2 milliards de dollars hors hydrocarbures contre 50 milliards de dollars en importation soit près de 60% des recettes totales d'exportations et 75% environ de nos besoins. Cette situation s'explique par le fait que le processus d'industrialisation dans les années 1970 a été bloqué. Depuis lors, l'Algérie est devenue l'un des plus importants pays importateurs grâce aux devises fortes des hydrocarbures.

C'est ainsi que les premiers cadres algériens sont écartés qui constituait l'élite intellectuelle et professionnelle dans chaque entreprise ce qui fut le début du déclin a fait mal à ces derniers dans la mesure où la tendance des nouveaux dirigeants et cadres ne reposait pas sur l'échelle des valeurs dont la majorité était dépourvue de l'esprit et de la culture d'entreprise et se sont recyclés après avoir mené leurs entreprises à la liquidation durant les années 1990 dont notamment certains sont devenus propriétaires de sociétés de salariés(cessions d'actifs) et pour d'autres promus sans sacrifices, sans compétences et ce, quitte à compromettre un projet d'entreprise non achevé, une restructuration, un plan de redressement, etc. Alors qu'on ne peut améliorer la qualité de la gouvernance économique et le management des entreprises que par l'importance et le progrès des hommes. Depuis lors, le choix des dirigeants n'a jamais été des plus heureux pour notre développement économique. Sinon comment se fait-il que dans le temps, nous étions en avance et qu'aujourd'hui nous accusons un énorme retard sachant qu'il n'y a pas eu beaucoup de développement dans l'économie réelle où il est toujours difficile de créer l'emploi durable et générer la richesse et ce ,malgré l'excellente santé financière grâce aux ressources des hydrocarbures qui représentent 98%.

Résultat : Tous les algériens se rappellent de cette chute énorme des prix du pétrole qui a mené notre pays vers une grande crise socio-économique des années 1986/1990, provoquant la liquidation de près d'un millier d'entreprises, l'explosion du chômage de près de 30%, l'inflation de près de 25% et enfin l'explosion sociale concernant la tragédie nationale du 5octobre 1988 .Nous assistons depuis à un immobilisme économique en termes d'investissements industriels, de croissance hors hydrocarbures, de création d'emplois durables , d'inflation en évolution frappent de plus en plus durement l'économie nationale et la société en général avec finalement, explosion de mécontentement des couches sociales ,des phénomènes de violence, d'immolation, harraga, de scandales en série de corruption qui se sont généralisés et internationalisés restant d'une grande actualité nationale comme on a pu le constater ces dernières temps où ils font la une de la presse et qui agitent notre pays .

 Voilà donc, une génération des premiers cadres algériens de l'indépendance mérite respect et considération avec l'espoir que nos autorités locales et nationales prendront acte de cet oubli pour une légitime reconnaissance afin de se remémorer cette génération que nous considérons comme le modèle de « Ouled El watan» (enfants de la patrie) dans l'histoire du développement national au moment où elle a servi honorablement et s'est vouée corps et âme au service du pays aux premières heures de l'indépendance et entièrement consacrée pour la génération future dans une période les plus difficiles de l'histoire de l'Algérie avec la seule conviction de l'esprit de sacrifice et dignité « NIF ». Presque tous ont terminé leurs carrières dans la totale déception et l'indifférence dont la majeure partie vit aujourd'hui dans des conditions difficiles à l'égard du niveau de vie. Il nous semble donc qu'il est temps de passer à l'action pour instaurer les valeurs humaines, facteur premier de la richesse d'un pays. C'est là un grand débat sur les ressources humaines en Algérie dont jamais un bilan n'a été établi, soit sérieusement pris en considération, car l'homme est le meilleur investissement pour construire le pays et préserver l'avenir d'une nation. Sinon que vaut la valeur humaine en Algérie ?

ABACI M'HAMED,Financier et auteur de deux ouvrages:
« Comptabilité des sociétés et gouvernance des entreprises ».


26/03/2013
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LA BRÛLURE - Les Enfumades de la Dahra - Par Abdelkader Guerine

 

 

 

Abdelkader Guerine, très grand poète d'expression française, peu connu par les tenants de la culture, vient d'éditer à titre d'auteur chez une maison d'édition à Oran "Dar-El Adib" son huitième recueil romancé qui allie la poésie à la prose pour raconter une page oubliée de l'histoire d'une certaine contrée dans la wilaya de Chlef, dans la commune de Dahra, Daîra de Taougrite, où se sont passés des génocides de la part des colonels et généraux de l'armée française d'Afrique et qu'on nomme communément "Les enfumades du Dahra" à Ouled Riah.

 

Fervent adepte du "Café Littéraire" dirigée par Mohamed Boudia, écrivain et journaliste indépendant et membre actif de ce dernier, Monsieur Guerine Abdelkader nous a présenté son dernier-né dont le titre est "La Brûlure - Les enfumades de la Dahra" C'est un roman qui allie la poésie à la prose et en fait un roman pour raconter par le biais d'un "Goual" ou troubadour, allant de hameau en hameau, de souk en souk porter les bonnes et les mauvaises nouvelles. C'est le moyen de transmission orale de la vie socio-culturelle des habitants de l'Afrique du Nord et en particulier de l'Algérie. Ce troubadour, faisant parfois des rêves prémonitoires dépêche sa personne chez les Ouled Riah pour leur porter la mauvaise nouvelle représentée par l'invasion de leur pays et localité par la soldatesque française, un certain 5 juillet 1830. Ayant rassemblé autour de lui les Ouled Riah, il leur conte ses rêves et ses appréhensions concernant leur devenir et leur existence menacée par cette intrusion.

 

Laissons Monsieur Abdelkader Guerine nous dire et nous présenter son roman historique et poétique en même temps :

 

Dans la préface, l'auteur nous donne une idée du rôle du poète ou goual comme suit :

" Le poète savait que cette exaction inhumaine, comme beaucoup d'autres d'ailleurs, allait être dépassée et oubliée. Les Français n'avaient jamais installé de bureau d'administration à Ouled Riah, c'était une localité à laquelle ils n'avaient pas changé de nom, c'était un lieu qu'il fallait nier, une page de non histoire qu'il fallait déchirer........" (Dixit : Abdelkader Guerine)

" De l'histoire, des lettres et plein de poésie. Abdelkader Guérine, auteur de sept autres ouvrages (recueils de poésie) raconte dans ce livre le parcours d'un "goual" ou troubadour, un orateur qui passe de médersa en zaouïa et termine son éternelle errance dans les souks hebdomadaires de la région de la Dahra. Les nouvelles qu'il rapporte à la population des paysans ne sont pas toujours bonnes. C'est un véritable drame qu'il annonce pour cette fois, plus de mille âmes allaient être enfumées  dans les grottes situées dans ces hauteurs désolées et accidentées, après un combat féroce  contre un ennemi plus fort et lourdement armé, c'était le 18 Juin 1845.

l'auteur joint le dialogue poétique aux récits prosaïques pour raconter un drame tragique que l'histoire n'a jamais noté, avec des narrations fictives et des descriptions proches de l'atmosphère réelle, une image du climat socioculturel de la région  de Chlef à cette époque-là ".

 

Monsieur Abdelkader Guerine a bien inisisté sur le fait qu'il n'était pas un chercheur en histoire et encore moins un historien. Il a seulement voulu donner une certaine nuance poétique à son roman en introduisant un poète (Goual) ou (troubadour) pour agrémenter la trame de son roman qui se veut un témoignage poignant de cette page inoubliable de notre histoire.

 

Je vous donne ici, quelques passages du livre :

" Ce ne sont pas les vrais "spagnoul"

   Qui ont chassé le grand sultan

   Qui prit la mer pour Istanbul

   Cédant le bled à un satan

Répondit le poète avec un air inquiet, déssiné sur son visage rond aux yeux qui semblaient savants d'un malheur qui allait s'abattre sur tout le Tell ".

 

" Que veulent-ils chez nous ? Que vont-ils faire de nous ? se demandèrent bruyamment et nerveusement les uns et les autres..." 

" Ils veulent poser des lois roumi

   Auxquelles l'arabe est bien soumis,

   Ils sont en route et seront là

   Pour faire l'enfer de l'au-de-là

   Ils veulent la terre et le bétail

   Et toi l'esclave qui obéit,

   Les bêtes qu'ils veulent et la volaille

   Et toi, étranger dans ton pays."

 

En conclusion, l'auteur nous décrit la fin de ce macabre épisode qui a vu des centaines de personnes, tous sexes et âges confondus, mourir d'une fin atroce que leur réserva un futur général de France.

 

" Il prit son âne et continua son chemin, de zaouïa en souk, récitant dans son passage, l'injuste destin des tribus de la Dahra, espérant trouver l'oreille attentive qui puisse décorer les mots  de leurs raisons meilleures ...... "

" Nous étions mille et une personnes

  Avides de paix jusqu'à l'aumône,

  Coincées dedans les vieilles grottes,

  Cernées d'une force qui porte des bottes,

  Les passants fondent l'avenir sur un socle de paroles vaporeuses, la ville vieillit et laisse l'oubli gagner du territoire précieux, le droit vous parle :

" Peuple vainqueur et souverain,

  Pris dans la houle des vents marins,

  Salue les hommes qui ont donné

  Leurs vies pour que tu sois trôné,

  Peuple garant d'un fier podium

  Pris dans le piège d'un rêve d'opium

  Décompte les boules du chapelet

  Au nombre de morts qui t'appelaient

  Peuple fidèle aux justes causes

  Pris dans les mailles d'un filet rose,

  Déterre le livre de ton histoire

  Pour que l'étoile éclaire le noir,

  Les passants reculent vers le néant pour s'élancer dans un ciel fantôme,

  La ville tremble quand la voix des miraculés exulte des échos d'émoi, "

 

Le poète se recueille;

 

" Nous étions mille et un cadavres,

  Virés du temps d'une vie macabre,

  Brûlés vivants d'un feu banal

  A l'ordre bref du général. "

 

Dit le poète dans toutes ses "gaada" partout il était passé après."

                             (Dixit : Abdelkader Guerine)

 

En ultime conclusion, l'auteur nous informe de la page historique concernant les enfumades de la Dahra :

 

"Ghar El Frachiche", était le nom que la population donnait à cette grotte profonde, c'est là où le sinistre Pélissier avait accompli son crime odieux en enfumant plus de mille paysans dans le massif de la Dahra, hommes, femmes, enfants et vieilles personnes. Ce crime n'a jamais été ni jugé ni puni, il n'a été écrit dans aucun livre d'histoire."""

 

L'émotion était au comble dans la salle et les débats furent assez chauds et les membres du café littéraire se sont attelés à critiquer positivement l'oeuvre de leur collègue et ami Abdelkader Guerine.

 

Comme de coutume, Monsieur Boudia Mohamed, donna la parole aux poètes présents pour déclamer quelques-unes de leur poésie. C'est Mme Saï Aouda qui fut la première à entamer un poème "Chi'ir El malhoun" décrivant un individu opportuniste qui s'accapare la culture sans en être imprégné pour ses besoins matériels propres. Ce fut ensuite le tour de Monsieur Boutoubat Mohamed, poète engagé, de déclamer un de ses poèmes concernant la vague de démocratie et de soulèvement au sein des pays arabes pour clore son poème par une tirade en faveur de Ghaza et de la Palestine.

 

 

  Mohamed Boudia - Ecrivain et journaliste indépendant -

 

 

Lien/: "LA BRÛLURE - Les enfumades de la Dahra" par Abdelkader Guerine - Editions Dar-El-Adib - Oran - ISBN 978-9947-856-61-1

Dépôt légal : 1058-2011

 


15/03/2011
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L'INTROUVABLE - Mauvaises consciences par Mohamed Boudia (1932-1973)

                        - L’INTROUVABL E-
 
                      Mauvaises consciences
                                    par
                         Mohammed Boudia
 

 

Homme de théâtre algérien, Mohammed Boudia (1932-1973) est connu pour avoir été une figure de la guerre d’indépendance (1954-1962). Il fut arrêté par les autorités coloniales et condamné à vingt ans d’emprisonnement pour avoir participé à des sabotages d’installations économiques en France même (1958). Mais il s’évada au bout de trois ans seulement et, l’indépendance acquise, reprit ses activités théâtrales, commencées à l’adolescence, et fonda à Alger une revue, Novembre, et un journal, Alger ce soir. Le coup d’état perpétré par Boumédienne en 1965 le contraint à l’exil, en France, où il administra le Théâtre de l’Ouest parisien. Parallèlement, il adhéra aux organisations secrètes palestiniennes et, au bout de quelques années, en devint un membre-clé pour l’Europe. Il sera assassiné par le Mossad qui bourra sa voiture
d’explosif, en juin 1973, à Paris. Opposant au régime algérien,
Mohammed Boudia a été ostracisé et ses écrits sont peu répandus. La nouvelle Mauvaises consciences, que nous proposons à nos lecteurs dans la rubrique “Introuvables”, a été publiée en octobre 1966, dans la revue marxiste La nouvelle critique et n’a pas fait l’objet de republication. Ce qui est, pour le moins, regrettable...
Il serait difficile, même à l'analyste le plus rigoureux, de situer avec précision le moment qui vit naître la chose, encore moins sa nature exacte. Les premiers bruits circulèrent à la faveur de la grande fête annuelle qui rassemblait sur la grande place presque tous les habitants de la ville.
Personne ne comprit très bien le mal qui s'installait comme un chancre, rongeait tout, atteignait les plus solides, les plus courageux, sapait le moral de la petite ville, bouleversant les habitudes les plus innocentes; la communauté découvrait que l'animal le plus facile à réveiller en l'homme c'est la peur. L'extraordinaire fut la rapidité avec laquelle elle enveloppa
chacun, sans qu'on s'en expliquât l'origine. On échafauda bien sûr de nombreuses hypothèses, mais la plus vraisemblable ne fut admise que plustard.
Les gens, barricadés derrière ce qu'ils appelaient la forteresse solide des institutions, ne percevaient pas les failles ouvertes régulièrement par l'absence de contrôle et de réflexion de leur système de vie. Ceux qui étudièrent plus tard cette période et ses faiblesses notèrent surtout la douceur
 

 

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ambiante de la ville qui émoussait toute vigilance, l'assurance qui émanait des autorités lorsqu'on les rencontrait déambulantes, souriantes dans les rues ou lors de toutes manifestations. Ils remarquèrent aussi l'innocence qu'avaient les plus humbles à se laisser guider par ce qu'ils croyaient être l'élite infaillible, laquelle entretenait en son sein des rapports si singuliers qu'ils ne pouvaient donner naissance qu'à une catastrophe. Bien sûr, on défendait les notions d'ordre, de paix, de bons échanges entre voisins, le tout
basé sur la crédulité générale. Mais en réalité l'élite orientait toutes les activités de la ville pour maintenir un ordre et une paix qui lui permettait de tirer les plus grands avantages.
Ainsi, au niveau de l'élite, des accouplements étranges et désordonnés, à travers et dans toute leur manière d'être, permirent à la bête invisible de s'installer. Ce monstre que tout le monde connaissait par les récits, qu'il croyait mythologiques, des anciens et qui, traversant de son pas lourd les siècles, n'avait pas fini de ruiner les hommes, se nourrissait de violence, de hurlements et de peur. Personne ne pouvait le voir (ni ne l'avait jamais vu).
Cependant, il était notoire, même pour les sceptiques, que son existence était prouvée et qu'il pouvait se manifester de différentes manières.
Pour la ville dont nous relatons l'aventure, il choisit de se faire annoncer par une catégorie de la population qu'on surnomma les démarcheurs. On ne leur trouva aucun autre qualificatif. Ils ne vendaient rien, ils ne réclamaient rien, du moins à cette étape, mais faisaient comprendre par de nombreux moyens les exigences de leur maître. Il était très difficile de s'opposer à lui et tout le monde convint que la ville, n'ayant aucun intérêt à provoquer sa
colère, se devait de le nourrir. On lui offrit donc la peur générale comme aliment.
Les démarcheurs et l'élite s'empressèrent par des déclarations qu'ils voulaient rassurantes d'actionner ce levier anesthésiant qu'est l'appel à l'ordre et au sang froid. La ville apeurée, au bord de la panique, surtout soucieuse de survivre pour multiplier ses échanges et son commerce, ne demandait qu'à être convaincue. Au nom de la cohabitation et des valeurs qui l nourrissaient spirituellement, elle s'engagea dans une collaboration, dont elle ne voyait pas encore le prix, avec les nouveaux maîtres.
Dans les premiers jours, en apparence et pour l'opinion, cette position sembla la plus raisonnable, et l'on ne pensa plus aux incidents préliminaires que comme des éléments d'animation supplémentaires à la fête annuelle. Des plaisantins affirmèrent même que la fête continuait. Mais petit à petit, sournoisement, les germes de la grande maladie se faisaient propager dans tous les secteurs par les démarcheurs. Les exigences du monstre se définirent mieux en même temps que s'atténuait toute résistance. Les symptômes n'apparurent pas d'abord en un faisceau homogène, mais au contraire sous une forme particulière à chacune des couches de la population. Le résultat, espéré, était que chacune devait croire être la seule victime, ce qui mettrait
 

 

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davantage en relief leurs inconscientes divisions, sources de profits pour les démarcheurs. “… L'important demeurait que le principe d'une redevance de cette matière de grande qualité qu'est le cri humain soutiré, fût versé quotidiennement… ”
Ce silence ne dura pas longtemps. Les habitants, qui dans le passé se fréquentaient beaucoup et considéraient comme un loisir de s'inviter régulièrement les uns les autres, décidèrent, par une sorte de réflexe de défense, de renouer avec cette tradition. Il devenait ainsi impossible de ne pas se rapporter ce qui se passait un peu partout. Ce ne furent d'abord que des chuchotements, puis des descriptions plus claires sous le sceau du secret, enfin d'audacieuses réclamations collectives publiquement exprimées. Les démarcheurs réagirent et exprimèrent la volonté du monstre de réprimer toute tentative de remise en question de la cohabitation établie. Et, pour le prouver, le monstre exigea des hurlements pour sa nourriture, ne se contentant plus de la peur. Les démarcheurs choisissaient tous les soirs un nombre, variable selon leur humeur, de personnes qui allaient, sous l'effet d'horribles tortures, hurler. Le monstre ne précisait pas ses besoins. Cela allait du simple cri entendu une fois, à une inhumaine orchestration de hurlements ininterrompus. L'important demeurait que le principe d'une redevance de cette matière de grande qualité qu'est le cri humain soutiré, fût
versé quotidiennement. Comme toujours en pareil cas, des hommes décidèrent d'intervenir par le biais des possibilités qu'offrait la loi pour essayer de limiter le mal. Mais par tradition le monstre n'accordait jamais d'audience. On s'adressa alors aux démarcheurs. Ces derniers promirent tout ce que l'on voulut, assurant même que les excès ne seraient pas tolérés. Pour
prouver leur bonne volonté, ils en informèrent toute la ville. Les bonnes consciences, satisfaites, défendirent l'idée qu'il ne fallait point porter de jugement d'ensemble pour quelques cas non contrôlés. Ils arguèrent que, personne ne pouvant lutter contre la fatalité et que le choix de cette dernière s'étant arrêté sur leur ville, il ne fallait point envenimer davantage les rapports avec le monstre et la fatalité. Bref, elles proposèrent de fournir à la
bête ses rations quotidiennes. Elles-mêmes aideraient les démarcheurs à sélectionner les victimes pour, disaient-elles, contrôler le choix et limiter, en tentant de la raisonner, l'appétit de la bête. La ville approuva, en général. Cette doctrine, pour le plus grand malheur des bonnes consciences, se heurta à certaines autres consciences qui, elles, tendaient plutôt à réclamer la lutte contre le monstre. D'ailleurs non seulement elles posaient des questions sur l'origine du monstre et sur les conditions de son apparition dans leur
 

 

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ville, et voulaient les faire partager à la population, mais, crime majeur, elles étudiaient des solutions. Selon leurs dires, les démarcheurs et les notables ne pouvaient sélectionner les gens à hurler, sans tenir compte de leurs propres penchants, de leurs affinités, sans soustraire leurs familles et amis au calvaire. Elles excluaient, de la façon la plus nette, une quelconque impartialité de la part des sélectionneurs. A partir de là, la solution était dans
le rejet du monstre hors des frontières de la ville et dans le retour à la vie calme d'autrefois. Ces consciences révoltées rencontrèrent de grandes difficultés. Les bonnes consciences les qualifièrent de mauvaises, les démarcheurs de subversives et l'opinion publique de déraisonnables. Chacun s'acharna à leur découvrir tous les défauts possibles. On trouvait qu'elles manquaient de sens civique. On les
évitait comme des pestiférées. Une nouvelle division des couches s'imposa et les mauvaises consciences, isolée, à l'extrême, s’enfermèrent dans la clandestinité, seule issue possible à leur survie. Loin d'être un état ni une fin en soi, la clandestinité organisée devint l’outil qui allait les sortir de l'ombre. Elle hanta ainsi les nuits des notables et des démarcheurs qui s'étaient jurés de la briser. Les mauvaises consciences aussi ne la considéraient pas comme définitive. Ce fut 1à un point d'accord, paradoxal, entre les adversaires. Pour anéantir ce groupe de contestations secret, les démarcheurs pourchassèrent avec une extraordinaire énergie les clandestins. Les démarcheurs trouvaient là un moyen de se rallier une partie beaucoup plus large de la population, en faisant des clandestins les sélectionnés naturels pour le monstre. Parmi d'autres slogans, le plus diffusé fut : “ Aider à démasquer les clandestins, c'est éviter sa propre sélection”. Ils expliquèrent
que l'action des clandestins rendait le monstre plus sévère. Pour l'amadouer, la destruction de ceux-ci s'imposait. Les clandestins répliquèrent qu'ils étaient la conséquence de l'apparition du monstre et de ses agents dans leur ville et que le départ de ces derniers pouvait seul arrêter leur action. Mais la ville, toute soumise à la peur, s'engagea dans la délation. Elle s'y jeta avec
une extraordinaire frénésie, comme si elle se libérait d'un état qui la mutilait, et qu'enfin de vieilles envies retenues, rompant leurs digues, submergeaient ses mauvais scrupules et la rendaient à elle-même. Nul ne pouvait dire la moindre chose, fût-elle la plus banale, sans se sentir coupable. Le pire pour chacun était de ne pas tourner sept fois sa langue dans sa bouche et de ne pas regarder autant de fois autour de lui avant de parler.
Les mots perdaient leur sens, se jetaient, difformes et malheureux, contre la défiance arc-boutée dans l'oeil du voisin. On s'interprétait, en fonction des liens et des affections, des haines à assouvir et des revanches à prendre, comme si l'on avait trouvé là un nouveau jeu de société. Les sympathies devenaient pernicieuses et les intentions ne correspondaient plus aux
 

 

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déclarations. On se surveillait, on se scrutait, on se mesurait, et les genoux se lustraient à force de ramper pour surprendre.
“… Le corps et la mémoire, presque confondus, jouaient alors
d'étranges tours aux tortionnaires… ”
La prison ne se ressemblait plus. De ses cellules, étouffantes et tristes, le détenu ne vagabondait plus par la pensée. L'évasion était exclue, quelle que fût sa forme, le détenu occupant tout son temps à hurler et à reposer son corps pour mieux reprendre ensuite. Chaque coin de la bâtisse, construite un peu en dehors de la ville, recelait un tel volume de cris, de hurlements et de souffles saccadés qu'on tenait certainement là une force énergétique capable de pulvériser la cité. Mais personne n'y songea, la douce pente de la passivité étant plus facile à prendre. Cependant, mêlées à la nourriture du monstre, les insultes obscènes des gardiens maintenaient la victime dans son état d'homme, car l'homme seul pouvait être fils de putain. Et cet homme essayait
de vivre, écrasé par de multiples accessoires au service de la dénonciation, qualifiée de vérité par les bourreaux. I1 vérifiait l'horreur d'une jonction contre nature du mot vérité et de l'action torture. En accédant au plus haut degré de la douleur, il perdait son identité, oubliait ses origines, niait qu'il existât quoi que ce soit d'humain et de vrai dans la vie. Prisonnier de sa masse de chair souffrante et de ses os brisés, il ne pouvait plus parler, si ce
n'était par cet instinct puissant qui lui commandait tout de même d'exister. Dire quelque chose, n'importe quoi, exigée ou venant de lui, suffisait à le retenir aux vivants. Il n'avait nul besoin de réfléchir car, pour ce genre de jeu, la mémoire se détraquait. Très souvent, elle se transformait en parapet qui lui conservait de subtils espoirs en activité. Le corps et la mémoire, presque confondus, jouaient alors d'étranges tours aux tortionnaires et, sous l'effet de l'outil destructeur, se retrouvaient bien au-delà du moment dans le
plus petit souvenir possible, pourvu qu'il ne fût pas pénible. Et ce souvenir, amplifié, donnait naissance à d'autres, créait le désir de lutter et chaque torturé se remobilisait à nouveau. Les bourreaux fabriquaient eux-mêmes l'arme qui les tuerait. Les murs d'une prison ne furent jamais assez épais pour empêcher le prisonnier d'y jeter par-dessus, des messages de douleur et d'espérance, des appels terribles et des cris destinés à autre chose qu'à alimenter l'épouvante. Une nouvelle entreprise qui rejoignait les buts des
clandestins, prenait sa source dans le dépassement de la peur de ceux qui avaient connu le supplice et approvisionnait le fonds de haine contre les démarcheurs.
Cependant, la machine, en dehors de l’enceinte où se nourrissait le
monstre, s'étalait et couvrait la ville de ses réseaux brutaux. Elle avait dépassé en quelque sorte la période de rodage et atteignait son plein
 

 

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rendement. Les gens ne vivaient plus pour la vie elle-même mais avec l'hallucinant espoir de ne jamais se retrouver dans l'engrenage de l'horreur. A ce degré de peur surnaturel, ils ne s'apparaissaient plus les uns aux autres que comme de virtuelles victimes, chacun se refusant tout de même pour l'autre la moindre tentative de pitié. La cité tout entière hachait la tête, pleurait,
implorait les dieux du bien en reconnaissant, lâche et minable, la suprématie des temps d'épouvante. Masochiste, elle piochait dans elle-même, pour mettre en relief ses péchés mal enfouis devenus l'explication logique de l'inhumaine entreprise qui la brisait Les démarcheurs grimpaient la grande échelle sociale, ils ne voulaient plus tarder à se faire reconnaître comme chefs. Pour eux, le temps des commissionnaires était mort. Les feuilles tombaient des arbres, en cette fin de journée d'automne, en telle quantité que la terre recouverte n'était plus visible. L'homme qui sortait d'un baraquement, d'une démarche décidée, le menton sur la poitrine,
semblait enfermé dans une réflexion qui le mettait hors du temps. Cette impression était confirmé par l'épaisseur des feuilles qui rendait ses pas légers. Il ne marchait pas, les feuilles le portaient. A un moment, il porta son regard autour de lui et pensa qu'au nom de la vie à conserver, coûte que coûte, le crime du silence réglait les attitudes et faisait réelle la disposition des hommes à s'adapter à l'infamie. Il ne rentra pas directement chez lui, préférant méditer sur les possibilités de résistance de son corps meurtri durant des jours. I1 avait atteint les limites de 1'insensibilité, et pourtant il
savait que la piqûre d'une simple aiguille lui arracherait des cris, alors qu'il croyait n'être plus capable de crier, qu'on l'avait épuisé en ce domaine. Mais la vie, à l'appel du souffle le plus minime, se reconstitue vite et avec elle, ses faiblesses, et les moyens de lui faire mal. Il repassa en mémoire les minutes qu'il venait de passer avec d'autres hommes, le récit qu'il leur fit de ses tortures et les résolutions arrêtées en commun. I1 sourit. Presque de pessimisme, parce qu'il considérait qu'après être passé par le même chemin
que lui on n'avait plus rien à perdre. Mais en réalité son engagement venait d'une sincère décision de mettre un terme à l'épouvante. I1 venait aussi des parcelles d'amour qui naviguaient dans tout son être, le faisant aboutir au désir de revivre hors de la crainte des animaux qui vous surprenaient dans vos réveils heureux. Pour cela, il fallait réaliser à nouveau la confiance et la
paix. I1 arriva chez lui. I1 n'était pas marié et vivait avec sa soeur, veuve et fatiguée de son veuvage. Aucun des deux ne s'embarrassait de la présence de l'autre et des jours durant, ils avaient la faculté de s'ignorer mutuellement. Ils s'aimaient certainement beaucoup, mais se l'étaient prouvé durant tant
d'années qu'il ne leur paraissait plus nécessaire maintenant de se charger encore de ce grave sentiment. Leurs deux solitudes s'harmonisaient trop bien avec le silence, plus pesant encore, plus réel, depuis son retour des geôles du monstre. Et puis, elle l'avait toujours servi, et ce n'était certes pas son court
 

 

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mariage, passé inaperçu pour lui, qui pouvait compter vraiment comme une rupture. Elle s'occupait de son ménage, le soignait, réglait ses dépenses. Il tirait une grande joie du fait qu'elle lui évitait ces corvées et de ce qu'elle limitait leur conversation aux mots usuels, nécessaires a la confection d'un menu ou au choix de la chemise à mettre. Si les bouleversements survenus dans la ville les avaient affectés au plus profond, ils n'en parlaient presque
jamais. A peine avait-il, avant son arrestation, remarqué combien
l'inquiétude atténuait l'éclat du regard de soeur. Maintenant, face à lui, son visage prenait une allure émouvante, décelée à peine par quelques tics, comme lorsqu'elle veillait son mari avant sa mort. Il savait que c'était là un signe d'inquiétude, mais ne pouvait la rassurer, lui-même trop angoissé devant ce qu'étaient devenues leur vie et celles de leurs voisins. Pour elle, qui connaissait les lectures de son frère, se souvenait, au temps de leur jeunesse de son idéalisme juvénile, sa peur se justifiait. Elle se persuadait
souvent que l'âge changeait l'homme, que le mûrissement gommait les grands élans. Mais la dernière expérience de son frère lui prouvait au contraire que tout était possible.
Ce soir-là, elle lut sur son visage un peu plus fatigué qu'à l'ordinaire, de fortes préoccupations. L'envie de le questionner s'insinua en elle, lui fit faire quelques tentatives muettes, mais finalement se borna à des banalités.
L'accoutumance qu'elle avait à ne pas chercher la conversation avec lui l'handicapait beaucoup. Ils dînèrent donc sans innovation. Elle constata qu'il ne mangeait pas beaucoup et qu'entre deux bouchées il s'enfermait dans une longue méditation Elle n'oserait décidément pas le déranger. Dans les jours qui suivirent, elle recueillit un nombre important d'informations sur la lutte qui devenait âpre entre les démarcheurs et les clandestins. Les voisins, les commerçants, les amis, les commérages étaient sa source. Elle pénétrait ainsi, parce que subitement intéressée, un monde
effrayant et passionnant, celui du combat poussé à la mise à mort. Elle n'était pas courageuse et son veuvage la rendait encore plus sensible à la peur. Pour la dominer, il lui fallut cette inexprimable raison qu'était son amour pour son frère. Mais aussi, elle ne regrettait pas cette petite prospection dans le monde hostile qui l'entourait et dont elle ne soupçonnait pas l'immense abjection.
Elle prenait conscience du fait qu’il arrive un moment où l'on pouvait difficilement distinguer les humains des serpents et des corbeaux. Tous lui paraissaient sombres, ou tout simplement incolores, et elle les méprisait. Elle admettait que peut-être elle leur ressemblait, parce qu'elle était décidée à ne rien faire pour eux et à amener son frère à aligner son comportement sur le sien. Mais son frère ne la suivrait certainement pas : c'était finalement pour
cela qu'elle voulait prendre la mesure du danger exact qui le menaçait. Elle n'apprit rien. Rien, si ce n'était que les deux camps ne tarderaient plus à s'affronter autrement que dans l'ombre.
 

 

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Un soir, alors qu'ils dînaient dans le classique silence, ils entendirent la voiture s'arrêter brutalement dans leur rue. Le fait qu'une voiture s'arrêtât brutalement était fréquent, cependant ils sursautèrent tous deux. Elle courut plus vite que lui à la fenêtre et reconnut un véhicule de police. Elle le lui dit. Il était à mi-chemin entre la table et la fenêtre et une frayeur extraordinaire, inhumaine, crispa ses traits. L'image fulgurante de la prison et des salles où opéraient les démarcheurs traversa son esprit. Elle lui fit autant mal que s'il était encore soumis aux pratiques violentes des appareils de torture. Il regarda sa soeur avec des yeux dilatés qui lançaient vers la veuve de pressantes prières; ou bien tout simplement des appels au secours. Elle ne savait que faire et bêtement questionner : C'est pour toi ?. I1 était paralysé. Sa langue l'était aussi. Il ne cessait de regarder sa soeur. Elle se jeta pratiquement sur lui, le secoua, le suppliant de s'enfuir. Il la
regardait toujours, sans paraître comprendre, alors que le dernier mot avait accroché sa raison. Fuir... Fuir... Il savait parfaitement ce qu'il devait fuir : I’intolérable douleur, l'anéantissement, I’humiliation d'une intelligence passive devant des bras brisés. En revanche, il ne savait pas où fuir. On frappa à la porte. La soeur s'éloigna de lui. Alors, brusquement, il ouvrit la fenêtre, hurla, comme .s'il offrait un dernier présent au monstre. Mais cette
fois, ce qui nourrissait le monstre était aussi sa contestation: « Pas de tortures
! Non ! Plus de tortures ! »
La soeur ne se rendit presque pas compte qu'il n'était plus dans la pièce près d'elle, mais qu'il avait entamé, pour fuir, une course verticale vers la mort. Quand elle regarda une seconde fois par la fenêtre, i1 était allongé sur les feuilles mortes dans la position de quelqu'un qui se repose. Une seconde, elle pensa faire le même geste. Mais, elle ne se l'expliqua jamais, l'idée qu'il fallait quelqu'un pour l'enterrer la retint. Elle marcha lentement vers la porte,
l'ouvrit. Trois hommes en civil la saluèrent respectueusement. Ils
paraissaient tous trois le même âge. Quand l'un d'eux, un peu surexcité, demanda après son frère, elle ne répondit pas. Elle aurait voulu se battre contre eux, mais ne les regarda pas et descendit les marches, une à une, d'une démarche saccadée comme un enfant jouant au soldat. Les trois hommes la
suivirent un petit moment, puis la doublèrent en courant. Lorsqu'elle fut dans la rue, ils étaient déjà là, entourant le corps qui semblait intact, détendu. Seul, un léger filet de sang sortait d'une narine et s'écoulait sur une feuille collée à sa lèvre, signalait le drame. L'un des trois hommes avait pris la tête du mourant dans ses bras et en caressait les cheveux. Il parlait à son frère avec une voix douce, amicale, l'appelait par son prénom. Elle en fut
déroutée. Un deuxième, la voix rauque, parla : « Pourquoi as-tu fait cela, pourquoi ? ~
Le regard étonné du moribond se posa lentement sur les trois hommes et la tête essaya de bouger. Celui qui la tenait l'en empêcha :

 

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— Non, ne bouge pas. Oui, c'est nous. Nous sommes venus te dire que tous les démarcheurs sont arrêtés ou chassés de la ville avec leurs amis les notables. La ville est libre.
Le blessé articula dans une grimace :
— Et le monstre ?
— I1 a disparu avec eux. Tu sais, il n'existait pas, c'était eux. Nous aurions pu depuis longtemps éviter ce qui nous est arrivé. Mais la peur... Les lèvres du blessé remuèrent. Il poussa avec sa langue le sang qui pénétrait sa bouche et réussit à dire :
— J'ai eu peur, oui... la voiture de police... Tortures... J'ai eu peur...
I1 voulait en dire davantage et expliquer à ses camarades qu'il venait de trouver deux importantes réponses à ses nombreuses questions d'homme. La première concernait la mort: elle était effrayante dans sa simplicité et bien souvent, comme dans son cas, ne réglait aucun problème. La seconde réponse, qu'il percevait tardivement, avait trait aux monstres. Ils n'étaient que le produit de nos imaginations malades de peur. La peur est leur alliée.
Quand un homme tue en lui la peur, il anéantit du même coup les monstres. C'est en s'éveillant le matin que l'on chasse l’oppression des cauchemars. Si la ville avait appliqué cette règle... I1 mourut sans avoir livré ses réflexions, ignorant la présence de sa soeur à ses côtés. Elle était restée un peu à l'écart et reçut une pénible sensation au coeur comme si elle était veuve pour la seconde fois. Ce qui se passait là, sous ses yeux, entre ces trois hommes et son frère, était si réel qu'elle se sentit frustrée. Son frère et les hommes se libéraient de la peur. Ils en étaient même
débarrassés. Mais elle, à partir de cet instant, dans sa solitude, elle allait la rencontrer tous les jours, toutes les nuits.
Elle s'agenouilla et dit aux trois hommes :
— Pourquoi meurt-il ? I1 n'était pourtant pas la conscience du monde ?...
Elle ne vit pas celui qui répondit, mais sa voix était neutre, comme s'il ne s'adressait pas à elle, mais à d'autres, au-delà d'elle, plus nombreux :
— Peut-être non, mais qui put expliquer où est la conscience du monde ?
Qui nous dira où elle commence ? Qu'importe s'il n'était pas la conscience du monde, il ne le souhaitait pas d'ailleurs. En faire partie un tout petit peu, en assumer une petite partie, c'était tout.
La soeur resta agenouillée devant les feuilles mortes écrasées par le corps de son frère, bien longtemps après qu'on l'eut enlevé.

Djilali Kadid, Effigie, huile sur toile, 1992 (65 x 50)
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10/03/2011
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INTERVIEW de l'écrivain DJILALI BENCHEIKH par le Soir d'Algérie

 

Le Soir des Livres : DJILALI BENCHEIKH
«Boudia me laisse l’image d’un homme total»


Le Soir d'Algérie : Quand on vous connaît un chouïa, on sait que votre roman s'inspire de faits vécus. Pourriez-vous nous les relater en situant les dates et les personnages?
Djilali Bencheikh :
Tout commence le 2 juin 1973. Mohamed Boudia, homme de culture et d'action, m'envoie à Beyrouth pour, dit-il, transmettre un message, une amana à des frères palestiniens. Etant mon chef dans une organisation d'opposition algérienne et surtout un complice dans bien des domaines, c'était difficile de refuser.

Je pensais qu'il s'agissait de tracts ou d'articles de presse qu'il fallait transporter en douce. Je me suis retrouvé devant une valise à double fond dont j'ignorais le contenu. Mais d'un sourire lumineux, il me rassure : rien de grave, dit-il, et puis l'aéroport de Beyrouth est une passoire. On n'embête pas les touristes. Il a eu faux sur toute la ligne. Mais je ne lui en ai pas voulu. La police libanaise m'a arrêté puis relâché. Pour me suivre, bien sûr. Puis quand j'ai réussi à contacter les responsables de Septembre noir, ils m'ont conseillé de ne pas quitter Beyrouth. D'abord parce que Interpol était à ma recherche. Interpol donc les services israéliens. Et puis, eux, par respect, préféraient que Boudia vienne lui-même gérer mon histoire. Je ne l'ai hélas jamais revu puisqu'il a été explosé dans sa voiture le 28 juin à Paris juste devant Jussieu. Il faisait partie de la sinistre liste de Golda Meir. La Première ministre israélienne a juré d'assassiner tous ceux qui avaient de près ou de loin trempé dans la prise d'otages de Munich en septembre 72.
On reconnaît bien sûr le personnage de Mohamed Boudia derrière le portrait de Nadir Benhila. Dans quelles circonstances avez-vous connu Boudia et quelle image avez-vous gardé de lui ?
J'ai connu Boudia dans le cadre du RUR alors que j'étais étudiant à Paris au début des années 70. Le Rassemblement unitaire des révolutionnaires militait en France pour la démocratie en Algérie. Et pour la libération de tous les prisonniers politiques dont l'un des plus célèbres, Ahmed Ben Bella, embastillé depuis 1965. J'ai rejoint quelques étudiants et intellos, dont Mohamed Benmansour, pas mal d'ouvriers plus benbellistes que révolutionnaires, un ancien député Saâd Absi, un poète nommé Ahmed Azeggagh et bien sûr Boudia que j'appelais familièrement Soustara. Lui était originaire de ce quartier de La Casbah (ex-Montpensier) et ma famille y était alors établie. Je me doutais que Soustara était totalement engagé dans des actions militaires pro-palestiniennes. Mais j'en ignorais les détails. Il y avait un compartimentage strict entre la section purement politique et le groupe Action qui comptait aussi quelqu'un comme Khaled de Boudouaou, mort au combat aux côtés de Yasser Arafat, ou celui que j'appelle Rachid et qui est le seul survivant des protagonistes de mon roman. Boudia me laisse une image d'homme total. La figure du héros parfait, loin de toute idéalisation. Play-boy, autodidacte venu de loin, baroudeur culturel : on se souvient de son amitié avec Jean Vilar et ses initiatives inédites quand il a dirigé le Théâtre national algérien avant le coup d'Etat du 19 Juin. Il me séduisait par la cohérence de ses actes avec ses idées. Il avait l'envergure d'un Benbarka en gestation. Homme de principe, il ne parlait pas en l'air. Mais comme tous les héros, il avait sa part d'ombre et comme tous les hommes d'action ce n'était pas toujours un tendre.
On a du mal à comprendre comment un révolutionnaire comme lui, rompu aux luttes clandestines, ait pu confier une mission aussi délicate que le transport de passeports européens trafiqués à un novice comme vous. Qu'aviez-vous compris de sa stratégie ?
Vous avez raison, cela paraît étonnant. Mon explication est simple. A cette époque, juin 73, il était traqué. Plusieurs de ses hommes étaient morts, emprisonnés ou exilés au Moyen- Orient pour sauver leur peau. Il a donc dû recourir à l'expédient que j'étais. Quand je lui ai dit qu'il me bousculait par la mission venue sans préparation, il m'a répondu : Nous autres, Arabes, nous sommes toujours bousculés. Ce Nous autres incluait tous les démunis, les zawalis de la terre, les opprimés... Il a donc paré au plus pressé comptant sans doute sur ma naïveté pour tromper les douaniers libanais. Il est vrai que l'étau israélien se resserrait sur lui à Paris. Les frères palestiniens comme la direction du RUR le suppliaient de foutre le camp. Il semble que même certains policiers français l'aient sommé d'aller voir ailleurs, ne voulant pas avoir un cadavre sur les bras. Mais lui retardait son départ, ayant toujours une tâche à finir. D'après Azeggagh qui était son intime, il semble qu'il se préoccupait de l'installation de ses fils tout juste venus d'Alger. Moi je pense qu'il y avait inconsciemment dans son attitude une forme de défi à Golda Meir. Il n'avait pas envie de prendre la posture du fuyard. Mais le Goliath israélien a eu raison du David algérien. Je suis sûr que par défi, il est mort le sourire aux lèvres et de bonne humeur...

Vous aviez 25 ans et vous êtes arrêté par la police libanaise dans une ville, Beyrouth, déjà épicentre de ce déchirement qui préfigurait l'explosion de 1975. A quoi pensiez-vous dans votre cellule du commissariat le premier soir ?
A plein de choses. D'abord serai-je capable de résister à la torture si on me soumettait à la question pour me soutirer des renseignements. Et j'ai pensé à tous ceux qui sont passés par là pendant la guerre d'Algérie ou après le 19 Juin. J'ai pensé à Boudia non pas pour lui en vouloir mais en me disant qu'il devait être bien déçu de me voir échouer à ma première opération. J'ai pensé aux potes du mouvement qui n'étaient pas au courant de ma mission. Bien sûr, j'ai pensé à ma petite chérie restée à Paris et à qui j'avais inventé un bobard pour expliquer mon absence prévue pour une semaine. J'ai pensé à ma mère au cas où je prendrais un lourde peine de prison. Je connais la fragilité des mères dès qu'il s'agit du sort de leurs enfants. A aucun instant je n'ai songé à m'évader.

A vous lire, on a l'impression que vous avez vécu de façon pragmatique la succession d'évènements qui faisaient de vous, sans que vous le sachiez, un combattant de Septembre noir ? A quel moment avez vous réalisé la gravité de la situation ? C'est à Beyrouth que vous apprenez par votre ami Rachid l'assassinat de Mohamed Boudia par le Mossad à Paris. Que vous ont dit les responsables de l'OLP et de Septembre noir ?
En fait contrairement au roman j'ai appris la terrible nouvelle en même temps que Rachid par le chef de Septembre noir, Abou Hassan Salamé. C'est là que j'ai réalisé l'envergure de ma mésaventure. Je me suis dit, le sort en est jeté. Vaille que vaille. Et après. Abou Hassan était une sorte de Boudia palestinien. Plus jeune, tout aussi play-boy, ce trentenaire avait un charisme naturel. Il nous a transmis la tristesse et la considération de Yasser Arafat et nous a assuré que Mohamed Boudia appartenait à l'histoire de la Palestine et personne ne l'oublierait. Nous le vengerons, je vous le promets. Il a tenu parole. Le chagrin de Abou Hassan était vraiment sincère. Pour un homme qui en a vu de rudes, c'était étonnant. Il avait pour Boudia une grande admiration et un véritable élan affectif. Faut dire qu'il perdait aussi un général irremplaçable contre les services israéliens.
Un certain Walid, qu'on peut soupçonner être Joumblatt, vous a dit dans le Chouf que chaque maison libanaise disposait d'un arsenal pour le jour de l'explosion. Comment avez vous apprécié rétroactivement les discussions avec cette notabilité ? Pourquoi n'arriviez-vous pas à repartir de Beyrouth ? Vous êtes reparti finalement avec un passeport iranien ? Ça vous inspire quoi aujourd'hui ?
Non, le Walid n'était pas le Joumblatt d'aujourd'hui. Mais j'avais beaucoup d'admiration pour son père Kamel, assassiné lui aussi dans la tourmente. Une tourmente apparemment prévisible puisque ce dignitaire de la montagne en avait la prescience. Quand la guerre du Liban a éclaté au printemps 75, j'étais à l'université d'Oran pour mon service national. J'ai tout de suite pensé à ce Walid du Chouf et à ses prévisions calamiteuses. Sombre don visionnaire... Pourtant, même en étant resté coincé trois mois là-bas, je n'ai pas soupçonné un instant la dimension du naufrage fratricide qui a tout ravagé juste deux ans après mon passage. Qui aurait soupçonné en 1970 qu'un pays comme l'Algérie sombrerait également dans une barbarie sans nom. J'en reste perplexe jusqu'à maintenant. Arrivé le 2 juin au Liban, je n'en suis reparti qu'au début septembre. Mohamed Benmansour, qui a un peu remplacé Boudia, a attendu que se termine la crise gouvernementale libanaise qui a duré six mois. Par l'entremise des Palestiniens, il a sans doute négocié mon départ. Mon retour se voulait discret à Paris. Je ne suis pas sûr d'avoir leurré la police française. Muni d'un faux passeport iranien !!! A l'époque, le régime pro-occidental du shah rassurait. Aujourd'hui, le pouvoir qui sévit là-bas est pire que la dictature du shah. Aussi, je frémis rétrospectivement d'avoir endossé une telle nationalité. Pour l'anecdote, je suis rentré à Paris à la veille du 11 septembre de Pinochet. Comme quoi, la CIA comme le Mossad ne chômaient pas.
Quand vous repensez à cette époque des utopies, qu'est-ce que cela vous inspire politiquement et effectivement ?
De fait, quand je suis revenu à Paris j'ai constaté que la mort de Mohamed a porté un coup terrible au moral du mouvement. Les militants étaient désarçonnés. Boudia représentait une vitrine subjective héroïque qui compensait sans doute la faiblesse de cette organisation sur le plan idéologique dans le combat pour la démocratie. Le RUR fonctionnait comme une famille plutôt que comme un parti. Ce qui explique en partie d'ailleurs sa rupture avec les communistes au moment de la dislocation de l'ORP, juste après 65. Par ailleurs, Mohamed Harbi et Hocine Zahouane, qui faisaient partie de la famille, ont réussi à fuir l'Algérie en 1972. Ils ont poussé à la transformation du parti qui a fini, je crois, en liquidation en 1975. Mais à ce moment-là je crapahutais à Blida pour les besoins du Service national. Je ne connais pas les détails. Dans ma tête, je m'étais déjà reconverti au culturel comme le préconisaient Azeggagh et Boudia lors de conversations privées. L'avenir de l'Algérie sera culturel ou ne sera pas, me répétaient-ils. Et quand le Printemps culturel a éclaté, j'ai compris leurs prédictions. Ce projet de livre me tient à cœur depuis 37 ans. Je suis heureux aujourd'hui d'avoir abouti enfin. Non pas pour la gloriole personnelle, mais pour rendre hommage à ces hommes exceptionnels. La plupart l'ont payé de leur vie, de Boudia à Khaled alias Tarzan. Le Palestinien Abou Hassan a lui aussi explosé dans sa voiture à Beyrouth en 1976. Seul reste de cette aventure celui que j'appelle Rachid pour protéger son anonymat. Lui est muré en Algérie dont il ne peut pas sortir, Interpol veille toujours. Près de quarante ans après les faits, pas de prescription pour lui. L'homme crève à petit feu, de rage et d'impuissance car sa famille, ses enfants sont en France. Il faut parfois payer très cher la fidélité à ses idées. Cette histoire me hante depuis 73. J'espérais un jour l'écrire pour que ces justes ne soient pas oubliés. A chaque tentative, je butais sur la mort de Boudia, décidément trop douloureuse. J'hésitais aussi sur le genre littéraire à adopter. Comment restituer ce qui procède de l'épique. Un essai, c'est trop froid ; un témoignage ? pas envie de me singulariser ; j'ai trouvé cette forme mixte du faux polar qui vaut ce qu'elle vaut et que je souhaitais aussi légère que l'humeur de ces hommes au combat. Me reste de cette époque le souvenir d'une famille avec des liens de solidarité qui font rire aujourd'hui. Ils étaient tous un peu poètes à leur manière. Des Don Quichotte qui ont traversé le vent et dont on se moquerait dans cette société d'autistes qu'on nous impose de plus en plus. Mourir pour ses idées ? Tu plaisantes, mon gars. Quant au sort des Palestiniens, il n'intéresse plus personne, hors les jeunes des banlieues qui enragent dans leur coin. Le travail d'occultation médiatique a fort bien réussi en Occident. On l'a vu lors du massacre de Ghaza en 2008-2009. Le Mossad veille là aussi.

Propos recueillis par Bachir Agour

SIGNET
Temps perdu
A le voir traînant un regard ébaubi sur le monde, on ne croirait pas qu’il est passé par là. Djilali Bencheikh est bien un cachotier. Ça peut faire de bons romanciers, ces gens qui ne disent pas tout. Venu tard à l’édition, il semble vouloir rattraper le temps perdu. Les livres se suivent composant une œuvre à intention proustienne dans cette obstinée recherche du passé. L’épisode raconté dans ce roman est exact, du moins en très grande partie. En plus de l’aspect littéraire, c’est un document sur la solidarité algérienne en faveur des Palestiniens. C’est aussi un hommage à des compagnons de lutte et au premier d’entre eux, Mohamed Boudia.

B. A.

Candide au pays de «Septembre noir»
Kamel, étudiant algérien à Paris, a un cœur gros comme ça, mais il est du genre dilettante. Cependant, sa fréquentation des troquets autour de Sorbonne- Panthéon ne tardant pas à le lasser, il opte pour le maquis, direction Ménilmontant. Là au moins, le peuple, évoqué autour d'une table, n’est plus une vague notion appelée à la rescousse de l’argumentation dans les débats byzantins de fin de cuite. C’est du concret. Petit à petit, Kamel se trouve inséré, plutôt qu’intégré, dans une sorte de fraternité qui se révèle être en fait, un parti politique algérien clandestin, le Rare. Kamel y rencontre Nadir qui le fascine littéralement. Ce jeune de trente ans, ancien condamné à mort du FLN, entré dans l’opposition après le coup d’Etat de Boumediène en 1965, est administrateur du Théâtre de l’Ouest parisien avec son ami Vilar. Homme d’action, il brille comme une étoile dans la constellation parisienne, tout en étant de fait un des principaux dirigeants du Rare, et incontestablement le plus charismatique d’entre eux. Bien qu’il ait cloisonné ses activités, il est de notoriété publique que Nadir mène des opérations en faveur des Palestiniens. Enfreignant à dessein les règles de la clandestinité qui recommandent de ne pas mêler «politique» et «action», Nadir propose au néophyte qu’est Kamel une mission au Liban. Rien de moins ! Pas vraiment rompu de corps et d’esprit à ce genre d’exercice, ce dernier hésite. Néanmoins, pour rester conséquent avec lui-même, le révolutionnaire de bistrot finit par dire oui. Ne lui a-t-on pas certifié que l’opération était simple et sans risque ? Un banal portage de valise à double fond. Ce qu’elle contient ? Des documents, il n’a pas à en savoir davantage. Nadir dissipe les dernières inquiétudes de son poulain : le passage de frontière à Beyrouth s’effectue les doigts dans le nez, la douane de l’aéroport est une passoire. C’est du tout cuit ! En clair, il convie Kamel à une promenade de santé. Ça a beau être clair comme de l’eau de roche, les warnings de l’étudiant clignotent en son tréfonds. Après avoir passé la situation aux rayons X, il se tient un raisonnement aux allures de côte mal taillée : si je suis pris, ce sera pour moi l’occasion de payer mon engagement en une autre monnaie que la parlote. Je me prépare mentalement à supporter jusqu’à deux ans de taule, ce qui revient à la durée du service militaire en Algérie. En gros et au pire, je troque, pour un laps de temps équivalent, un devoir contre un autre. Go ! Et voilà comment, habillé d’un rutilant costume en jersey et d’une valise fournis par le service Action du Rare, Kamel embarque. Beyrouth ! Si effectivement tout le monde descend, tout le monde ne passe pas. Enfin, tout du moins, pas notre protagoniste. D’oiseau migrateur, le voilà pigeon. Dans le double fond aux allures de pochette surprise de sa valise rouge, les flics libanais dégotent des passeports européens. Et pas qu’un peu ! Et dans son cartable d’écolier qui lui tient lieu de bagage à main, on découvre qu’il cache le passeport du représentant de l’OLP à Paris, qui vient juste d’être assassiné par le Mossad. C’est tellement lourd de conséquences, que ça en devient léger. Le calcul est vite fait, c’est la taule à vie. Ce qu’ignorait Kamel, c’est que les policiers libanais le connaissaient, eux. Sans le savoir, il bosse pour «Septembre noir», groupe d’élite qui doit son nom au massacre de 1970 en Jordanie. L’organisation la plus recherchée du monde ! Eh bien je vous le dis, à la place de Kamel, vous auriez été comme lui, KO en l’apprenant. L’interrogatoire vire à la séance d’information. Tout ce qu’il n’a pas appris par Nadir lui est livré par les condés. Dans le Liban d’alors, rien n’est impossible à Septembre noir. Le commissaire demande avec humilité à Kamel de lui expliquer ce qui se passe dans son propre pays. C’est dire ! Kamel est libéré, mais filé. En plein désarroi, sans argent, sans protection, notre héros erre apeuré dans Beyrouth qui regorge d’agents du Mossad, fasciné par le spectacle de la ville la plus contrastée et la plus explosive du monde. Comme l’humour, cette politesse du désespoir n'est pas absente du récit, c’est sans surprise que l’on voit successivement Candide demander au commissaire principal de Beyrouth de le dépanner, puis se rendre à l’ambassade d’Algérie pour solliciter une aide pécuniaire… qu’il obtient ! Au creux de la vague, contre toute attente, Kamel reconnaît, dans un café, un Algérien collé au flipper. C’est Rachid, un autre membre du Rare, section action, qui l’emmène au camp de Sabra où l’âme sensible de Kamel s’émerveille au spectacle des enfants palestiniens. Dans un appartement trash, en compagnie d’un militant de Septembre noir et d’une belle plante, Kamel va désormais attendre la suite des événements. La mission consiste à concocter son retour à Paris, tout en meublant alternativement les temps morts de baignades et de tournées des grands ducs en compagnie d’un Rachid qui circule comme un poisson dans l’eau dans une Beyrouth armée jusqu’aux dents. C’est dans ces conditions qu’il apprend la mort de Nadir dans un attentat à la voiture piégée. Son successeur à la tête du Rare ne tarde pas à débouler. Rachid, militant trempé, ne calcule pas son nouveau chef. Kamel lui-même, naguère hypnotisé par feu Nadir, n’a pas plus que lui d’atomes crochus avec le boss, un Tlemcenien sensible aux mondanités. Ce dernier embarque Kamel dans une maison du Chouf où il donne des réceptions réunissant la gauche libanaise. Il met alors un terme à l’expectative de Kamel en lui débrouillant un passeport de commerçant iranien afin de rentrer à Paris avec de grosses sueurs froides, on en aurait à moins, mais sans anicroches. Il est aisé de reconnaître derrière les noms des protagonistes les vrais patronymes des personnages d’une histoire véridique. Djilali Bencheikh a effectué cette mission sur l’ordre de Mohamed Boudia. L’identité des autres protagonistes, tout aussi réels, ne peut être dévoilée. Le roman de Bencheikh est le récit d’un jeune que le romantisme révolutionnaire a propulsé dans le cruel de l’action. S’il en est revenu écorché, cela ne l’a pas pour autant empli d’amertume. Le récit est empreint d’un humour et même d’une certaine légèreté qui, en allégeant la tension, nuit quelque peu à la densité intrinsèque de l’histoire.
B. A.
Djilali Bencheikh , Beyrouth canicule, Elyzad, 277 pages.

Biographie
Djilali Bencheikh est né en Algérie à la fin de la Seconde Guerre mondiale. Après des études d'économie à Alger puis à Paris, il se tourne vers la vie associative, le journalisme et la littérature. Il a longtemps été chef d'édition à la section française de Radio Orient, où il a animé une chronique quotidienne de littérature intitulée «Au fil des pages». Aujourd’hui, il se consacre à l’écriture.
Bibliographie
Mon frère ennemi, roman, Séguier, 1999.

Voyage au bord de l’enfance, chroniques, Paris-Méditerranée, 2000.
Tes yeux bleus occupent mon esprit, roman, Elyzad, 2007. Prix Maghreb 2007 de l’Association des écrivains de langue française (Adelf).
Lella, in Ma mère, recueil dirigé par Leïla Sebbar, Chèvre-feuille étoilée, 2008.
Julia des Sables, in Sortilèges sahariens, Chèvre-feuille étoilée, 2008.

 

Source : Le soir d'Algérie - du 15 janvier 2011

 

 

 

 

 

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15/01/2011
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"Le partum des Oliviers" par Abdelkader Guerine (poète)





"Le parfum des oliviers" est le 8ème recueil d'Abdelkader Guerine, notre poète d'expression française. C'est un féru de l'écriture. Il ne se lasse jamais de nous étonner et de nous abreuver de sa poésie qui se veut le miroir de la vie quotidienne dans laquelle se meut le poète et son lectorat. Il faut lui reconnaître le talent qui est dû aux hommes illustres dans la littérature et la poésie. Parmi ses recueils, un a été édité à compte d'éditeur en France par "Oasis des Artistes" avec le concours de Lulu.com. Dans le site d'Oasis des Artistes, Monsieur Guerine Abdelkader, dont il est devenu la mascotte avec plus de 5000 poèmes, bénéficie d'un auditoire et d'une notoriété très larges et acquiert toute les sympathies non point par déliquescence mais par la beauté de ses vers et de sa poésie qui vous transporte dans un autre univers fait de belles et de très belles lettres. Je tiens à exprimer, ici, à Monsieur Abdelkader Guerine toute ma sympathie et toute ma gratitude pour sa participation pleine et entière au "Café Littéraire" dont il est membre permanent et actif avec d'autres poètes et d'autres écrivains qui font tout pour que le "Café Littéraire" puisse être pérennisé dans le temps et l'espace sous la direction de Med Boudia, écrivain à Chlef.
Souhaitons à Monsieur Guérine Abdelkader, toute la réussite possible en espérant que les autorités locales et nationales (Ministère de la Culture) puissent un jour voir le travail colossal qu'il est en train de faire pour la renaissance de la culture avec les amis du café littéraire.

C'est la nouvelle publication de notre poète Guerine Abdelkader. C'est un torrent de poésie qui se déferle sur tous les sites. Il mériterait beaucoup plus de considération de la part des autorités locales culturelles et même nationales, pourquoi pas. C'est un féru de la poésie et il ne s'arrête jamais d'écrire. Actuellement, il s'essaie sur la prose et les scénes dramatiques. Souhaitons-lui beaucoup de courage et de réussite mais qu'il ne nous prive pas de ses beaux poèmes qu'il nous a habitués à lire dans les moments de morosité afin de déceler un quelconque espoir de vie au fur et à mesure de la lecture de ses poèmes combien profonds et d'une sensibilité sans équivoque. Dans ce nouveau recueil de poésie, Abdelkader Guerine rend hommage au peuple palestinien et défend le droit des peuples à se construire eux-mêmes sans faire appel aux colonisateurs qui ne sont là que pour mieux asservir les peuples et les avilir.

Abdelkader Guerine se veut le défenseur des droits de l'homme en général et les droits du palestinien dans sa patrie en particulier. Ces sentiments l'honorent en tant que poète engagé aux côtés du peuple palestinien comme le furent plusieurs écrivains et poètes défunts ou encore en vie. Merci Kader pour ce nouveau recueil plein de nuit, de noir etde sombres idées pour expliquer la situation alarmante de tout le peuple palestinien.

                        Mohamed Boudia - Ecrivain - Auteur -




10/01/2011
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